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bivouaquer au village de Caracuelo. Nous y séjournâmes. Les mauvais chemins que nous allions rencontrer, en traversant la Sierra-Morena, ne nous permettant pas de conserver avec nous notre artillerie et nos bagages, ils passèrent par Santa-Cruz et devaient suivre, par la grande route, le quartier-général du roi Joseph.

Le 18, nous logeâmes à Almaden del Azogue, où se trouvent les fameuses mines de mercure, depuis longtemps exploitées par l’Espagne, pour fournir à ses colonies d’Amérique le mercure nécessaire au traitement de l’or et de l’argent. J’eus la curiosité de visiter ces mines, qui sont très profondes et renfermaient toute une population d’ouvriers et de condamnés.

Le 22, nous passâmes le Guadalquivir à Bujalance et nous dirigeâmes vers Séville.

Depuis l’occupation de Madrid par les Français, Séville était devenu le siège du gouvernement national, de la junte centrale. De là, on dirigeait les armées espagnoles, on adressait des instructions aux juntes provinciales. Il y avait donc un sérieux intérêt politique à occuper Séville et à disperser la junte centrale.

Un conseil de guerre présidé par le roi et comprenant les maréchaux, ministres et généraux, fut tenu à Carmona.

On y agita la question de savoir si, au lieu de perdre du temps devant Séville, qui se préparait à résister, il ne serait pas préférable de laisser le 1er corps faire seul le blocus de Séville et d’aller avec le reste de l’armée, aussi vite que possible, fermer l’accès de Cadix à tous les chefs de l’insurrection, à la junte centrale, aux troupes espagnoles dispersées qui s’y réfugiaient de toutes parts, et qui allaient y retrouver les Anglais. En effet, les Espagnols, témoignant à leurs alliés une certaine méfiance, n’avaient pas voulu leur livrer leur principal établissement maritime, l’arsenal de la Corogne. Ils avaient consigné leur flotte dans la rade extérieure et limité à 4,000 hommes les forces qu’ils pourraient débarquer à Cadix. Le roi Joseph insistait pour que l’on commençât par le blocus de Cadix, et il avait, pour cela, de bonnes raisons. Il entretenait des intelligences dans Séville ; on lui faisait espérer qu’après que les premiers accès de la fureur populaire seraient calmés, il pourrait voir s’ouvrir devant lui, sans combat, les portes de la capitale de l’Andalousie. Le roi exposait que la possession de Cadix avait un bien plus grand intérêt que celle de Séville. Car on était toujours sûr de renverser les murs de Séville avec du canon, mais on ne l’était pas de franchir les lagunes qui séparent Cadix de la terre ferme, quand on aurait perfectionné leurs défenses, et il n’y avait qu’un coup de main, une surprise, une apparition subite de