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voltigeurs du régiment, au pont de la Guadaïre, affluent du Guadalquivir. Je devais intercepter ainsi la route de Cadix, mais il était trop tard, tout le monde était parti.

Vers quatre heures du matin, je sortis, seul, pour étudier les abords de ma position et marchai vers la ville. Je lus frappé du profond silence qui régnait partout, même dans les ouvrages élevés par les défenseurs de la place. J’y envoyai une patrouille, elle me rapporta que les ouvrages ennemis étaient abandonnés ; j’en fis immédiatement mon rapport.


Entrée à Séville.

Le 1er février, de grand matin, les portes de Séville étaient ouvertes et des députations étaient venues trouver le roi. Dans la journée, le roi Joseph, à la tête de l’armée, fit une entrée solennelle. Nous trouvâmes dans Séville des magasins de toutes espèces, considérables, une fonderie de canons en bon état, et une belle artillerie de siège précieuse pour le siège de Cadix.

Le 2, nous quittâmes Séville pour marcher sur Cadix.

Le 4, nous étions à Xérès, jolie petite ville célèbre par ses vins. Nous passâmes la nuit du 5 au couvent de la Chartreuse. Dans la journée, j’avais été chargé de faire, avec mon bataillon, une reconnaissance du pont de Souasso, qui, jeté sur le canal du Santi-Petri, relie l’île de Léon et Cadix avec la terre ferme. Arrivés à une portée de canon du pont, j’arrêtai le bataillon près de la ferme de Guera, et je fus, avec mon adjudant-major, examiner le passage. En approchant suffisamment, nous vîmes qu’une arche avait été coupée, que la rupture de voie pouvait avoir de 25 à 30 pieds de long, qu’il était facile de la réparer, puisque les batteries élevées de l’autre côté du pont, dans l’île de Léon, n’étaient pas encore armées. J’en rendis compte sur-le-champ au maréchal Victor. On n’en tint aucun compte. Mon ordonnance me rapporta simplement l’ordre de rentrer au régiment.

Le 6 février, la division se rendit à Puerto-Real[1].

  1. La baie de Cadix s’ouvre dans l’Atlantique, au dehors du détroit de Gibraltar, entre le cap Trafalgar et l’embouchure du Guadalquivir. Elle semble avoir été produite par un affaissement de la côte qui aurait respecté, en partie, une falaise en ligne droite. Cadix est bâti sur une sorte de plate-forme rocheuse qui forme l’extrémité nord-ouest de cette falaise. Celle-ci se prolonge en une étroite langue de terre, qui, en s’élargissant brusquement, forme l’ile de Léon. Cadix est ainsi dans une île. La terre ferme qui l’avoisine est marécageuse, sillonnée de lagunes et couverte de marais salans. Elle n’est séparée de l’île de Léon que par un canal sinueux d’eau salée appelé le Santi-Petri. Un fort de ce nom défend l’entrée sud de ce canal. Au nord, il débouche dans la rade intérieure près l’arsenal maritime de la Corogne. À l’entrée nord de ce canal se trouvent la baie de Puerto-Réal et cette petite ville.
    Dans son ensemble, la baie de Cadix a la forme d’un 8 penché dont le diamètre serait orienté nord-ouest-sud-est. La boucle sud-est forme la rade intérieure, la boucle nord-ouest la rade extérieure. L’étranglement constitue une sorte de chenal, large d’environ 1,000 mètres, défendu du côté de la terre par deux forts, dont il sera souvent question ici : le Trocadero, voisin d’un village de ce nom, et le fort de Matagorda. Le fort de Puntalès, dans l’île de Léon, croisait ses feux avec ceux du Trocadero à 600 ou 700 mètres. Un canal, partant, de Puerto-Real, débouche entre le Trocadero et Matagorda. Une petite rivière, le San-Pedro, se jette dans la rade extérieure, à l’ouest de Puerto-Real. Cette rade reçoit encore, au nord, le Guadaleté, dont elle est l’estuaire. A l’embouchure de cette rivière se trouvent la ville et le port de Santa-Maria.