La société humaine demande que l’on aime la terre où l’on habite ensemble ; on la regarde comme une mère et une nourrice commune, on s’y attache, et cela unit. C’est ce que les Latins appellent caritas patrii soli, l’amour de la patrie, et ils la regardent comme un lien entre les hommes.
Les hommes, en effet, se sentent liés par quelque chose de fort lorsqu’ils songent que la même terre qui les a portés et nourris étant vivans, les recevra dans son sein quand ils seront morts : — « Votre demeure sera la mienne, » disait Ruth à sa belle-mère Noémi, votre peuple sera mon peuple, je mourrai dans la terre où vous serez enterrée et j’y choisirai ma sépulture………..
C’est un sentiment naturel à tous les peuples. Thémistocle Athénien était banni de sa patrie comme traître ; il en machinait la ruine avec le roi de Perse, à qui il s’était livré, et, toutefois, en mourant,.. il ordonna à ses amis de porter ses os dans l’Attique pour les y inhumer secrètement, à cause que la rigueur des décrets publics ne permettait pas qu’on le fît autrement. Dans les approches de la mort, où la raison revient et où la vengeance cesse, l’amour de la patrie se réveille ; il croit satisfaire à sa patrie ; il croit être rappelé de son exil après sa mort, et, comme ils parlaient alors, que la terre serait plus bénigne et plus légère à ses os.
La Politique tirée de l’Écriture sainte est pleine de ces leçons ; et si j’ai tenu à rappeler celle-ci, c’est pour que l’on sache bien que ce qu’il avait dit de son vieux maître, Nicolas Cornet, nous pouvons, nous devons, nous, le dire de Bossuet : que, si son prince n’a pas eu de sujet plus fidèle, « la France aussi n’a pas eu de cœur plus français que le sien. »
Pour l’idée de la Providence, on la retrouve ici partout : dans cette phrase de son Avant-propos : « Dieu, par qui les rois règnent, n’oublie rien pour leur apprendre à bien régner,.. c’est une partie de la morale chrétienne que de former la magistrature par des lois : Dieu a voulu tout décider, c’est-à-dire donner des décisions à tous les états, — nous dirions aujourd’hui : des règles de conduite à toutes les conditions, — et, à plus forte raison, à celui d’où dépendent tous les autres. » On la retrouve encore dans les chapitres qu’il a intitulés : Il n’y a point de hasard dans le gouvernement des choses humaines, et la fortune n’est qu’un mot qui n’a aucun sens. (VII ; 8, proposition 5.) Comme tout est sagesse dans le monde, rien n’est hasard. (VII, 6, proposition 6.) Il y a une providence particulière dans le gouvernement des choses humaines. (VII, 6, proposition 7.) Dieu décide de la fortune des états. (VII, 6, proposition 3.) Dieu forme les princes