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et Énée n’en parlent pas encore, nous le voyons apparaître chez leurs successeurs. Il a été sans doute connu de tout temps dans le centre de l’Asie, en Perse surtout et sur les bords de la Caspienne, où les sources de pétrole étaient l’un des centres du culte du feu, et sont devenues, au cours de notre siècle, le siège de grandes exploitations industrielles. Ctésias, dans un de ces récits légendaires qu’il prodigue


Quidquid Græcia mendax
Audet in historiis


parle d’une huile extraite d’un ver de l’Inde, qui brûle les bois et les animaux et ne peut être éteinte qu’avec de la boue.

En fait, les gens de Cyzique, assiégés par Lucullus, se défendirent, d’après Pline, au moyen de l’huile de naphte. Végèce et Philon, dans leurs ouvrages sur l’art militaire, parlent aussi de cette huile incendiaire ; elle avait pris le nom de feu médique chez les Byzantins. Ces procédés primitifs ont reparu de nos jours, dans les propositions faites, pendant le siège de Paris, pour repousser les ennemis au moyen de pompes projetant des jets de pétrole enflammé. Mais cet agent, d’une utilité douteuse vis-à-vis des armes à longue portée, n’a été mis réellement à l’épreuve que par la Commune, pour brûler nos palais.

Cependant, le nombre des matières incendiaires s’était accru peu à peu par le cours des temps. Après l’huile de pétrole, on voit paraître l’huile de térébenthine, déjà entrevue par Pline, puis l’huile de genièvre ; elles étaient préparées au moyen des alambics, qui furent en usage depuis le IIIe siècle de notre ère. Avec ces huiles éminemment inflammables, beaucoup plus faciles à embraser et plus difficiles à éteindre que les anciens liquides, on fabriqua, par des manipulations variées, une multitude de compositions, auxquelles leurs auteurs attribuaient une efficacité spéciale. Ainsi la Mappœ clavicula, compilation de recettes antiques qui est arrivée jusqu’à nous par des manuscrits des Xe et XIIe siècles, parle des quatre espèces incendiaires, savoir : le naphte, la poix, l’étoupe, le sarment ; puis l’auteur décrit dans des articles séparés chacune de ces espèces et des compositions correspondantes. Il prescrit des formules compliquées, où interviennent le soufre, l’huile de térébenthine et toutes sortes de résines. La composition dite de damias, en particulier, est décrite dans un latin barbare, farci de mots grecs qui en trahissent l’origine.

Vers le XIIIe siècle, l’eau ardente, c’est-à-dire l’alcool, s’ajouta à ces produits, et elle donna lieu à des systèmes nouveaux, que