maréchal de Saxe, MM. de Tournehem, de Vandières, Champcenetz et quelques autres. On donna ensuite le Préjugé à la mode, de La Chaussée, l’Esprit de contradiction, de Dufresny, les Trois Cousines, de Dancourt ; cette première saison se termina par la reprise du Préjugé à la mode et l’Érigone, de Mondonville. Mme de Pompadour, le duc de Nivernois, montraient un réel talent, M. de Courtenvaux était un excellent danseur, le roi subissait plus que jamais le charme et il disait à la favorite : « Vous êtes la plus charmante femme qu’il y ait en France. »
L’année suivante fut marquée par des incidens de quelque intérêt. Après avoir débuté par une comédie de Dufresny, le Mariage fait et rompu, suivie d’une pastorale de Moncrif, Rebel et Francœur, la troupe joua Y Enfant prodigue de Voltaire, que Mme de Pompadour avait fait agréer, bien qu’il fût assez mal en cour. Le poète s’empressa de la remercier par des vers, dont sa vanité ne lui permit point de garder le secret :
Ainsi donc vous réunissez
Tous les arts, tous les dons de plaire ;
Pompadour, vous embellissez
La Cour, le Parnasse et Cythère.
Charme de tous les yeux, trésor d’un seul mortel,
Que votre amour soit éternel !
Que tous vos jours soient marqués par des fêtes !
Que de nouveaux succès marquent ceux de Louis !
Vivez tous deux sans ennemis,
Et gardez tous deux vos conquêtes !
Mais voilà que le madrigal circule dans les sociétés de la reine et de Mesdames ses filles. On le commente, on l’épluche, on y découvre les intentions les plus noires. Comparer les conquêtes militaires du roi à celle de son cœur par sa maîtresse, attacher une parité de gloire à ces deux succès, quel crime impardonnable ! Chiffe, Loque et Graille courent chez leur père, le circonviennent, arrachent un ordre d’exil. La marquise dissimule son chagrin, sacrifie son poète[1], ce dont la reine et la famille royale lui surent
- ↑ Plus tard, en Suisse, Voltaire parlait à Marmontel des bontés que lui avait autrefois témoignées Mme de Pompadour. « Elle vous aime encore, dit Marmontel, elle me l’a répété souvent, mais elle est faible, et n’ose pas ou ne peut pas tout ce qu’elle veut ; car la malheureuse n’est plus aimée, et peut-être elle porte envie au sort de Mme Denis, et voudrait bien être aux Délices. — Qu’elle y vienne, s’écria Voltaire, jouer avec nous la tragédie. Je lui ferai des rôles, et des rôles de reine ; elle est belle, elle doit connaître le jeu des passions. — Elle connaît aussi les profondes douleurs et les larmes amères. — Tant mieux ! c’est là ce qu’il nous faut, reprenait Voltaire, comme enchanté d’avoir une nouvelle actrice. — Et en vérité l’on eût dit qu’il croyait la voir arriver. — Puisqu’elle vous convient, laissez faire ; si le théâtre de Versailles lui manque, je lui dirai que le vôtre l’attend.