Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 106.djvu/910

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

disputées, les plus sanglantes, les plus fécondes en résultats. A Barossa, les Français et les Anglais perdirent environ le tiers des effectifs engagés, c’est une proportion plus forte que dans les plus grandes batailles, et cette résistance acharnée de 5,000 hommes contre 20,000 (comme à Haslach) nous sauva l’humiliation de renoncer au siège de Cadix en abandonnant un matériel immense.

Le 5, nous quittâmes nos bivouacs de grand matin. Nous prîmes le chemin de la ville de Chiclana, avec ordre de forcer la marche. Nous y arrivions en toute hâte et déjà nous l’avions dépassée quand nous entendîmes la fusillade à notre droite, du côté du canal de Santi-Petri. Nous fîmes encore environ une lieue sur la route de Conil, puis, tournant à droite, nous entrâmes dans une forêt de pins. Nous y trouvâmes des troupes de la 1re division qui était déjà engagée avec les Anglais. Sans faire halte, nous nous formâmes en colonnes par divisions et nous portâmes en avant. En débouchant du bois, nous aperçûmes les Anglais devant nous. Ils formaient, au nombre de 5,000 ou 6,000 hommes, Anglais ou Anglo-Portugais[1], l’arrière-garde de l’armée de secours anglo-espagnole. C’était à peu près ce que nous étions de combattans dans les deux divisions.

Les ennemis étaient en marche, se dirigeant vers un pont que la garnison de Cadix avait jeté la veille sur le Santi-Petri, et où, la veille aussi, une ou deux compagnies de voltigeurs de la 3e division avaient fait prisonnier un bataillon de la garde royale espagnole.

L’armée espagnole était déjà arrivée près de ce pont. Elle comptait environ 14,000 hommes ; les troupes des deux nations semblaient vouloir s’établir dans l’île de Léon. Comme une très grande distance séparait les Espagnols des Anglais, qui formaient l’arrière-garde, le maréchal Victor crut, je le pense, pouvoir battre les Anglais avant qu’ils fussent soutenus par les Espagnols. Il se pressa beaucoup et voulut attaquer sans attendre son artillerie, qui n’avait pu suivre, et ce n’était pas étonnant, car tous les chevaux de l’artillerie étaient exténués, ils avaient été épuisés et ruinés pour l’armement des batteries élevées devant Cadix. D’ailleurs, notre artillerie avait été contrainte de faire un grand détour pour franchir un ruisseau marécageux. Trompé par la première démonstration des Anglais contre Médina-Sidonia, le maréchal Victor y avait envoyé, le 3, toute sa cavalerie et 3,000 hommes d’une infanterie excellente, nous allions donc combattre sans artillerie ni cavalerie.

  1. Les Anglais avaient organisé en Portugal de très bons régi mens, dont les cadres étaient anglais et les soldats portugais. Ce sont ces corps que nous appelons anglo-portugais.