se présentaient toujours à leur mémoire. Au village, une avalanche de questions les accueillit ! Ils y répondirent avec la dignité grave qui convient à des hommes venant d’assister à une réunion scientifique, et les quelques paroles ronflantes et pleines de mépris qu’ils prononcèrent à tort et à travers achevèrent d’émerveiller l’auditoire.
En conséquence, les menaces contre le tableau se mirent à pleuvoir de toutes parts. Et tandis que les uns voulaient le mettre dehors, Makohon, plus enragé que les autres, criait qu’il le hacherait menu comme de la paille !
La malheureuse Nasta, toujours dans l’attente de quelque catastrophe fatale, passait par des angoisses inouies. Aussi, la voyait-on rôder, les dents serrées, les yeux fous de désespoir, la face haineuse. Quelques-uns assurèrent même qu’elle portait une hache cachée sous ses haillons, et que la nuit elle allait se coucher en travers de la porte de l’église.
Ces rumeurs inquiétèrent le maire, il ordonna tout d’abord de fermer la cerkiew, mit les clés dans sa poche, puis fit appeler Nasta, et persuada à la pauvre femme qu’elle pouvait être tout à fait tranquille, que personne ne se permettrait de molester son tableau, et que, dans le cas où la commission du clergé déciderait son renvoi, non-seulement la madone lui serait rendue, mais encore tout l’argent qu’elle avait versé pour fonder un autel.
Apaisée un peu par cette assurance, la pauvre femme put reprendre avec plus de calme ses occupations ; néanmoins l’idée que son tableau courait un danger ne lui sortait pas de la tête, et un matin qu’elle s’acheminait vers le village de Spas, la pensée lui vint d’aller réclamer la protection du peintre. Certainement le jeune homme parlerait d’elle à la comtesse qui, de son côté, glisserait un petit mot à M. Krzespel, lequel à son tour se hâterait de donner ses ordres aux membres de la fabrique, aux adjoints, au maire, et... qui sait, arriverait peut-être lui-même, dans son cabriolet jaune, coiffé de sa casquette à galons d’or !.. de cette façon tout serait sauvé.
Tandis que Nasta bâtissait ces beaux rêves, tout en foulant la poussière de ses pieds nus, le pope Tarczanin arrivait à Busowiska. Il fut reçu à la porte de l’église par la figure hypocrite et tourmentée du peintre Kurzanski, qui le mit en deux mots au fait de la situation.
Aux premières paroles du peintre, le prêtre qui, lui aussi, avait subi inconsciemment le charme de l’œuvre profane, se sentit légèrement rougir ; puis, tout consterné, il considéra la gracieuse madone, méditant le moyen de la sauver. Comme il y réfléchissait,