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grand déploiement de forces navales ; plus de cent bâtimens, dont quarante cuirassés et croiseurs, se sont trouvés armés à la fois dans ces deux mers qui baignent nos côtes. Ceux de ces navires qui étaient en réserve ont eu leurs équipages complétés par deux classes de réservistes de la marine. C’était la première fois que ceux-ci accomplissaient leur période de vingt-huit jours à la mer.

Il est peut-être nécessaire, avant d’aller plus loin, de rappeler en peu de mots d’où proviennent les réservistes de la marine.

Le recrutement des équipages de la flotte s’alimente, comme on le sait, à deux sources fort différentes : l’inscription maritime et l’engagement volontaire.

L’inscription maritime met à la disposition de la marine, de dix-huit à cinquante ans, tous les riverains de la mer ; pêcheurs de père en fils, pour la plupart, les inscrits arrivent à bord de nos bâtimens de guerre déjà familiarisés avec les dangers de la profession, et, chose non moins essentielle, insensibles au mal de mer.

En retour de cet assujettissement, les inscrits maritimes ont le monopole gratuit de la navigation côtière, de la pêche, et, d’une façon générale, de l’exploitation des produits de la mer. Soumis à une retenue sur leurs soldes comme matelots de l’État ou comme marins du commerce, ils acquièrent, au bout de vingt-cinq ans de mer, le droit à une pension de retraite qui leur est servie par la caisse des invalides de la marine.

En temps de paix, les inscrits sont astreints à une période de service obligatoire de sept années, — dont cinq de service effectif, — après laquelle ils passent dans la réserve et ne peuvent plus être rappelés que par un décret de mobilisation.

L’inscription maritime, qui est en même temps la base de notre marine de commerce, a été vivement attaquée dans ces derniers temps. Dans le parlement même, il s’était formé un certain courant d’opinion contraire à cette institution, vieille de deux siècles, dont le mécanisme exclusif et les privilèges paraissaient en désaccord avec le principe de l’égalité pour tous devant les obligations du service militaire. On a aussi objecté que l’inscription maritime s’appliquait à près de 118,000 hommes, alors que la marine n’a besoin que de 50,000 hommes environ pour armer toute la flotte, et on en a conclu qu’elle maintenait, en dehors du service militaire, un grand nombre d’hommes qu’elle ne saurait employer.

Cent dix-huit mille hommes est un chiffre global dont il faut défalquer les inscrits qui se trouvent embarqués sur les navires des grandes compagnies de navigation, navires qui resteraient armés en temps de guerre pour faire le service de croiseurs auxiliaires