Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

partie de ce qui leur revenait sur l’indemnité de guerre en pièces de cinq francs et qu’ils s’empressèrent de l’écouler de ce côté.

En 1874, avec l’amélioration progressive et rapide de la situation en France, le change sur Paris remonta ; il s’opéra une émigration toute naturelle de l’argent français vers sa patrie à dater de 1874 : le champ devenait libre pour les billets de la Banque de Prusse, pour les thalers et les gros, jusqu’à leur remplacement par les marks. Le franc conservait cependant encore son cours légal ; on tenait (et on tient même aujourd’hui pour la plupart) les livres, les comptes dans l’ancienne monnaie française.

L’occupation allemande avait trouvé le billet de la Banque de France, doté du cours forcé en vertu de la loi d’août 1870. Après l’annexion, la question surgit de savoir si la loi de 1870 n’était pas caduque ; les opinions divergèrent ; les caisses publiques refusèrent d’accepter les billets de la Banque de France, auxquels des jugements de tribunaux de commerce (Strasbourg, octobre 1871) reconnaissaient force libératoire. La Banque de Prusse invoqua les termes mêmes de ses statuts pour les refuser, n’étant obligée d’accepter que ses propres banknotes.

L’irritation fut grande dans le public, qui se prévalait de l’article 143 du Code de commerce, d’après lequel la lettre de change doit être acquittée dans la monnaie indiquée sur elle, et qui, en présence du cours forcé, se croyait en droit de payer en billets français. On essaya de lui faire comprendre que les circonstances avaient changé : cependant nombre de personnes, dont on n’avait pas voulu recevoir le paiement en billets, laissèrent tranquillement protester l’effet. La bonne foi ne faisait pas doute, mais les conséquences en furent fâcheuses. Aux mois d’août et de septembre, les dispositions à Strasbourg et à Mulhouse étaient ouvertement hostiles à la Banque de Prusse, qui rencontrait moins de difficultés à Metz. La loi du 28 septembre 1871, qui entra en vigueur le 14 octobre, abolit le cours forcé des billets de la Banque de France ; afin de se protéger contre les bons de monnaie, créés pendant la guerre, la loi du 7 janvier 1872 interdit le paiement en papier-monnaie non allemand ; une exception temporaire fut faite en faveur des billets de la Banque de France, à condition qu’il s’agît de coupures de 50 francs et au-dessus.

Le résultat de la loi du 28 septembre 1871 fut de faire baisser légèrement au-dessous du pair les billets français ; il se créa aussitôt un arbitrage qui eut pour objet l’achat de ces banknotes en Alsace-Lorraine ; en outre, les placemens de capitaux alsaciens-lorrains en France absorbèrent de grosses sommes, et peu à peu les billets disparurent de la circulation.