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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/288

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devant lui les troupes russes de Tchitchakof, qui s’étaient emparées de Minsk, d’où elles menaçaient nos derrières. L’empereur dut alors vivement regretter d’avoir confié le gouvernement de la Lithuanie au général hollandais Hogendorf, son aide-de-camp, qui n’avait jamais fait la guerre et ne sut rien entreprendre pour sauver Minsk.

La prise de Minsk était un événement grave auquel Napoléon attacha néanmoins peu d’importance, parce qu’il comptait passer la Bérésina à Borisof, dont le pont était couvert par une forteresse en très bon état, gardée par un régiment polonais. La confiance de Napoléon était si grande à ce sujet que, pour alléger la marche de son armée, il avait fait brûler à Orscha tous ses équipages de pont. Ce fut un bien grand malheur, car ces pontons eussent assuré le prompt passage de la Bérésina, qu’il nous fallut acheter au prix de tant de sang ! ..

Malgré sa sécurité relativement à ce passage, Napoléon, en apprenant la prise de Minsk par les Russes, manda au maréchal Oudinot de quitter Tchéréia pour se rendre à marche forcée sur Borisof ; mais nous y arrivâmes trop tard, parce que le général polonais Brownilowski, chargé de la défense du fort[1], se voyant entouré par de nombreux ennemis, crut faire un acte méritoire en sauvant la garnison, et, au lieu d’opposer une vive résistance qui eût donné au corps d’Oudinot le temps d’arriver à son secours, le général polonais abandonna la place, passa avec toute la garnison sur la rive gauche par le pont et prit la route d’Orscha pour venir rejoindre le corps d’Oudinot, qu’il rencontra devant Natscha. Le maréchal le reçut fort mal et lui ordonna de revenir vers Borisof.

Non-seulement cette ville, le pont de la Bérésina et la forteresse qui le domine, étaient déjà au pouvoir de Tchitchakof ; mais ce général, que ses succès rendaient impatient de combattre les troupes françaises, s’était porté, le 23 novembre, au-devant d’elles avec les principales forces de son armée, dont le général Lambert, le meilleur de ses lieutenans, faisait l’avant-garde avec une forte division de cavalerie. Le terrain étant uni, le maréchal Oudinot fit marcher en tête de son infanterie la division de cuirassiers, précédée par la brigade de cavalerie légère de Castex.

Ce fut à 3 lieues de Borisof, dans la plaine de Lochmitza, que l’avant-garde russe, marchant en sens contraire des Français, vint se heurter contre nos cuirassiers, qui, ayant fort peu combattu

  1. La tête du pont sur la rive droite. Le comte de Rochechouart, alors aide-de-camp de l’empereur Alexandre, donne dans ses Mémoires de nombreux détails sur toute celle affaire, à laquelle il prit une grande part.