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(puisqu’il venait de Borisof) que la Bérésina était à sa gauche, il aurait dû en conclure que, pour aller à Studianka, situé sur ce cours d’eau, c’était la route de gauche qu’il fallait prendre. Il fit tout le contraire, et suivant machinalement quelques voltigeurs qui le précédaient, il s’engagea sur la route de droite, et alla donner au milieu du nombreux corps russe du général Wittgenstein !

Bientôt environnée de toutes parts, la division Partouneaux fut contrainte de mettre bas les armes, tandis qu’un simple chef de bataillon qui commandait son arrière-garde, ayant eu le bon esprit de prendre la route de gauche par cela seul qu’elle le rapprochait de la rivière, rejoignit le maréchal Victor auprès de Studianka. La surprise de ce maréchal fut grande en voyant arriver ce bataillon au lieu de la division Partouneaux dont il faisait l’arrière-garde. Mais l’étonnement de ce maréchal se changea bientôt en stupéfaction lorsqu’il fut attaqué par les Russes de Wittgenstein qu’il croyait tenus en échec par la division Partouneaux ! Victor ne put dès lors douter que ce général et tous ses régimens ne fussent prisonniers.

Mais de nouveaux malheurs l’attendaient, car le maréchal russe Koutousof qui, depuis Borisof, avait suivi Partouneaux en queue avec de nombreuses troupes, ayant appris sa capitulation, pressa sa marche et vint se joindre à Wittgenstein pour accabler le maréchal Victor.

Celui-ci, dont le corps d’armée était réduit à 10,000 hommes, opposa une résistance des plus vives ! Ses troupes (même les Allemands qui en faisaient partie) combattirent avec un courage vraiment héroïque et d’autant plus remarquable que, attaquées par deux armées à la fois et étant acculées à la Bérésina, leurs mouvemens se trouvaient en outre gênés par une grande quantité de chariots conduits sans ordre par des hommes isolés qui cherchaient tumultueusement à gagner la rivière ! .. Cependant le maréchal Victor contint Koutousof et Wittgenstein toute la journée.

Pendant que ce désordre et ce combat avaient lieu à Studianka, les ennemis qui prétendaient s’emparer des deux extrémités des ponts attaquaient sur la rive droite le corps d’Oudinot placé en avant de Zawniski. A cet effet, les 30,000 Russes de Tchitchakof, débouchant de Stakovvo, s’avancèrent à grands cris contre le 2e corps, qui ne comptait plus dans ses rangs que 18,000 combattans ; mais comme nos soldats, n’ayant pas été en contact avec ceux qui revenaient de Moscou, n’avaient aucune idée du désordre qui régnait parmi ces malheureux, le moral des troupes d’Oudinot était resté excellent, et Tchitchakof fut vigoureusement repoussé sous les yeux mêmes de l’empereur qui arrivait en ce moment avec une réserve de 3,000 fantassins et 1,000 cavaliers de la vieille et