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et il ajoutait : « Maintenant que faut-il faire ? ne pas dévier de la ligne que nous avions prise, en faire peut-être un peu plus en royalisme que nous n’aurions fait avec ces messieurs, surtout au commencement, rassurer par là les royalistes et obtenir de meilleures élections, y procéder dès le 20 ou 25 septembre et ouvrir les chambres au 15 novembre. D’ici là, nous verrons si les esprits se calment et se rapprochent. Dans le cas contraire, il y aura un grand parti à prendre[1]. »

Ce ministère atteint et diminué, en définitive, se trouvait entre les libéraux qu’il ne pouvait plus reconquérir et les royalistes qui, n’étant plus contenus par la présence de leurs chefs au pouvoir, recommençaient à se déchaîner, dont le nombre allait s’accroître encore par ces élections sur lesquelles comptait M. de Richelieu pour avoir une session meilleure. Placé entre tous les camps, M. de Villèle se plaisait dans une réserve que quelques mois de retraite à Toulouse lui rendaient facile. A sa rentrée à Paris, peu avant la session, il mettait tous ses soins à régler ses rapports avec les ministres, à leur prouver par des visites de courtoisie que l’indépendance qu’il avait reprise ne cachait aucune préméditation d’hostilité. En gardant ses opinions, il évitait de se mêler aux agitations des partis. « Je ne veux, écrivait-il, me livrer ni aux pointus ni au ministère : je veux me tenir dans ma ligne et rester en position d’arrêter tout net ceux qui ne seraient pas raisonnables et voudraient compromettre l’intérêt du roi et du pays. » Il résistait plus que jamais, surtout à ceux de ses ardens amis qui ne parlaient de rien moins que de rouvrir contre le ministère une campagne à outrance, fût-ce par une coalition avec l’extrême gauche. Un jour, il recevait la visite d’un jeune et fougueux royaliste du temps, M. Delalot, qui venait le presser de se mettre à la tête de cette campagne d’opposition. « Après beaucoup d’autres observations, écrit M. de Villèle, je lui ai fait celle de l’impossibilité d’amener ce faux système à une solution, à moins de combiner un ministère de droite et de gauche… — Il m’a répondu de suite : — Eh ! pourquoi pas ? — J’ai reparti : — Pour cela, ne comptez pas sur moi ! Et je me suis levé, le reconduisant jusqu’à ma porte, que j’ai ouverte… Depuis, nous n’avons plus échangé une seule parole ensemble. »

On touchait pourtant au moment où ce que proposait M. Delalot se réalisait au moins en partie, où ultras et révolutionnaires coalisés réussissaient à faire sanctionner par la chambre une adresse au

  1. Correspondance inédite du comte de Serre. — Le duc de Richelieu, en écrivant au garde des sceaux, était assez découragé, quoiqu’il affectât une certaine résolution.