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nous avons été reçus. Immédiatement nos bagages ont été enlevés, transportés dans la demeure qui nous était affectée, les spahis battaient la ville et les villages noirs pour nous recruter notre escorte, d’autres étaient partis à cheval pour nous trouver des ânes.

En quittant la France, on nous avait donné des lettres de créance auprès du gouverneur du Sénégal, M. de Lamothe, et on nous avait fait espérer que peut-être nous confierait-on quelques tirailleurs sénégalais.

Le lendemain de notre arrivée à Dakar nous prenions donc à six heures et demie ce fameux chemin de fer du Cayor, qui nous déposait à Saint-Louis douze heures plus tard, moulus, éreintés et couverts de poussière.

Grâce à l’obligeante intervention du colonel Dodds, commandant supérieur des troupes, nous obtenions cinq tirailleurs et un sergent indigène, c’est-à-dire le double de ce que nous espérions, et le 18, nous reprenions le train pour Dakar.

Le 23, le paquebot la Ville de Muranhao faisait son entrée en rade. C’est lui qui devait nous porter à Grand-Bassam. Il avait à son bord trois missions déjà : M. Augouard qui retournait au Congo ; M. Dybowsky, parti pour retrouver Crampel ; le lieutenant Arago, un officier de cavalerie aussi, pour lequel nous avions racolé dix hommes d’escorte et qui partait pour rejoindre, si possible, la mission du capitaine Ménard.

Le soir même, avec un chaland et une chaloupe à vapeur, nous embarquions vingt noirs, six tirailleurs sénégalais, quatre ânes et notre matériel.

Après avoir touché à Konakry et à Sierra-Leone, le samedi saint nous étions en vue de Grand-Lahou. C’est de Grand-Lahou que commençait notre expédition ; en descendant sur ce point, nous évitions deux ou trois jours de marche, et très aimablement le capitaine La Perdrix, commandant de la Ville de Maranhao, consentit à stopper.

Grand-Lahou a, depuis un an, un poste de douane français commandé par un brigadier et constitué par un préposé et deux miliciens aoussas. Le brigadier Jeannin fit mettre la baleinière du poste à la mer et, en trois voyages, personnel et matériel étaient à terre.

Sur toute cette côte occidentale d’Afrique règne un phénomène aussi étrange que gênant : c’est la barre. Sur toute la rive, à partir du nord de l’État libérien, la mer, au lieu de venir mourir sur la plage, déferle violemment. Ce sont deux, trois, quelquefois cinq lames énormes qui se suivent de près, rendant l’abordage à terre très difficile, et le départ vers la pleine mer plus difficile encore. On