Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/577

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’apôtre fut, en 855, le lieu solennel de consécration de cet acte important. Plus tard, Guillaume le Conquérant et les souverains qui lui succédèrent ont confirmé sans difficulté les privilèges ainsi obtenus; malgré les affirmations contradictoires, il semble donc établi que la dîme ne provient nullement de libéralités particulières, mais qu’elle a été, dès le début, une concession de l’Etat, concession plus ou moins volontaire dont il dépend de lui de suspendre ou d’arrêter les effets. Le peuple ne s’accommodait pas volontiers de cet impôt. Il résistait, cherchait à dissimuler le montant de son revenu, ne s’exécutait qu’après une troisième sommation d’acquitter la taxe. L’Eglise frappait les récalcitrans de sentences d’excommunication, lançait les foudres des censures ecclésiastiques, et le pouvoir lui venait en aide, mettait à son service les rigueurs d’une législation primitive. Sous le règne d’Alfred, on pourchasse les auteurs de déclarations mensongères, on oblige les imposés à affirmer, sous serment, quelle est la valeur et l’étendue de leurs biens, on applique impitoyablement aux suspects l’amende ou la confiscation pure et simple. Chaucer, dans son Ploughman’s tale (récit d’un laboureur), donne assez bien l’idée des mœurs de l’époque lorsqu’il s’écrie, à propos des exactions que commettaient les titulaires de certaines paroisses :


For the tithing of a ducke
Or an apple, or an aye
They make men swere upon a boke,
Thus they foulen Christ’s fay.


« Pour la redevance d’un canard, d’une pomme ou d’un œuf, ils font jurer les hommes sur un livre, avilissant ainsi le culte du Seigneur. »

Il y avait deux sortes de dîmes : les grosses et les menues. Les premières étaient perçues sur les céréales et la production fourragère : le froment, l’orge, l’avoine et le foin. Les secondes s’attaquaient au droit de pâture, aux légumes et aux fruits, plus tard on y comprit la pomme de terre. Le lin, le chanvre, le miel, le houblon, les graines n’échappaient pas à la taxation. Tous les dix jours, le fait cessait d’appartenir au propriétaire de la vache, faisait retour au possesseur régional de la dîmée ; le prélèvement d’un dixième sur la volaille, les œufs, les animaux domestiques, accroissaient encore les charges des agriculteurs, pendant que l’impôt sur le gain personnel et les salaires visait déjà le revenu. Tout cela existe toujours, sous une autre forme cependant. Le 13 août 1836, le Tithe commutation act modifiait complètement l’ancien système. Des dispositions nouvelles étaient adoptées; elles consistaient dans la transformation des différentes classifications