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n’ont pas été contestés. Dans la plupart des centres urbains et ruraux, l’église d’Angleterre n’a d’autres soutiens que les classes riches avec leur cortège de serviteurs, de fermiers et de gens à gages. Elle est toute-puissante dans ces stations pittoresques de la côte dont un patronage aristocratique a consacré l’élégance. Postes enviés, séjours de prédilection du clergyman ambitieux ennemi de la méditation et du silence ! On l’y entoure, on l’invite, on le recommande à ses supérieurs ; s’il a du talent ou de l’intrigue, il y a des chances pour qu’il arrive à l’épiscopat. À celui-là, il ne faut pas montrer les statistiques, parler de la désaffection constante des masses. D’un geste, il montrerait la foule brillante qui s’écoule lentement du temple, après avoir entendu un sermon qu’elle juge admirable. Que si on consulte le voisin, le révérend moins favorisé dont le vicariat isolé se dresse dans l’intérieur du pays, quel changement, quelle tristesse, et aussi quelles doléances ! Le lieu est vide où il officie, les bancs de bois ont conservé le vernis des premiers jours. Certes, il a autant d’éloquence que son heureux collègue du bord de la mer, mais à qui n’a pas d’auditoire de quoi servent l’onction, la science théologique et la facilité de parole ? Au fond, ils sont l’un et l’autre le jouet d’une illusion. Que la faveur ou le hasard les ait, ou non, inégalement partagés, ils n’en sont pas moins à cent lieues du peuple et il suffit, pour n’en pas douter, de jeter les yeux sur la foule qui encombre à quelques pas de là l’étroite porte de la chapelle dissidente.

Au sein du parlement britannique on s’est plusieurs fois occupé de la gravité de cette situation. Dans quelques villes importantes, véritables colonies anglaises, la proportion des amis du culte anglican est peut-être d’un habitant sur cinq ; à la campagne, dans les districts ruraux, elle n’est plus que d’un sur douze. Comment s’étonner que les représentans politiques de la contrée aient si souvent insisté sur l’injustice qu’il y avait à exiger des Gallois qu’ils continuassent à subventionner une religion qu’ils ne pratiquent pas ? Pour subvenir à la construction et à l’entretien de leurs propres édifices ainsi qu’au traitement de leurs prêtres, ils dépensent 300,000 livres sterling par an et il faut qu’à ces charges considérables, mais volontaires, s’en ajoutent d’autres bien plus pesantes parce qu’elles sont obligatoires. « Pareille atteinte à la liberté d’une population tout entière ne se conçoit ni ne se justifie, s’écriait récemment le député de la division de Rhondda. Il n’y a aucune raison pour que la principauté plie encore sous le poids d’un impôt détesté, alors qu’on en a affranchi l’Irlande qui se trouvait, religion à part, dans des conditions toutes semblables. Qu’on ne parle pas de l’utilité qu’il peut y avoir à conserver la secte officielle à côté de l’autre, pour amender ou moraliser nos