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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/623

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la violence de ses maîtres. Ce jour-là, c’était une parole d’allégresse, « le signe, dit Glaber, de l’alliance éternelle que le monde venait de contracter avec Dieu. »


IV.

Alliance d’un jour, alliance d’une heure : le monde à peine converti oublie les vœux formés dans l’angoisse de la famine. Les grands, comtes, évêques, abbés, revinrent à leur avarice, à la vie de rapines ; les bourgeois et les petits, gâtés par l’exemple des seigneurs, se jetèrent dans les pires excès. « Jamais on n’entendit parler d’autant d’incestes, d’adultères, d’unions illicites, d’une telle émulation pour le crime. » L’Église elle-même prit à tâche de justifier le mot du prophète : « Alors le prêtre sera comme le peuple. » Satan rentrait sur la scène et reprenait le premier rôle; Dieu, impuissant, semblait abdiquer. Jamais, d’ailleurs, dans le mystère historique de Glaber, l’infernal personnage ne consent à désarmer. Quand la tempête des colères divines s’est apaisée, il reparaît toujours, à peine atteint par l’orage, ironique et très calme. Par l’hérésie et la simonie, ses deux œuvres de prédilection, il continue opiniâtrement de miner l’édifice entier du christianisme.

L’hérésie, la prédication d’une religion de mensonge, déconcertait les contemporains du chroniqueur d’une façon extraordinaire. Voilà des moines dont la raison est inerte, qui assistent à la révolte renaissante de la raison contre la foi et la discipline traditionnelles. Les hérésiarques des premiers siècles avaient paru dans un temps où la vie rationnelle était encore très puissante ; ils s’étaient trouvés en face des pères platoniciens, qu’aucune subtilité de la vieille dialectique ne pouvait embarrasser : l’Église avait longuement lutté contre Arius par le raisonnement; elle avait su garder, aux heures les plus difficiles de la bataille, une superbe sérénité. Plus tard, à l’époque d’Abélard, de Bérenger de Tours, d’Amaury, des Albigeois et des averroïstes, l’Église opposera tranquillement ses docteurs aux dissidens du christianisme ; et les docteurs, saint Thomas comme saint Bernard, s’appuieront avec une inébranlable confiance à l’École œcuménique de Paris, trésor et arsenal des bonnes doctrines. Enfin quelques grands papes, à partir de Grégoire VII, auront repris d’une main souveraine le gouvernement doctrinal de la chrétienté, et le sanctuaire, défendu par l’évêque de Rome et les scolastiques, ne connaîtra plus que de légères alarmes, jusqu’aux jours révolutionnaires de la réforme allemande. Mais les hommes de l’an 1000 n’avaient, pour se rassurer contre les faux prophètes, ni les pères, ni les docteurs, ni une papauté