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LES
RETRAITES OUVRIÈRES
ET
LES SYNDICATS

Comme le bien est difficile à faire d’une façon quelque peu large, efficace et durable! La juste préoccupation des réformes sociales et l’agitation produite par les revendications ouvrières en sont une preuve nouvelle. Malgré les grands progrès accomplis, chacun se rend compte qu’il y en aurait encore beaucoup d’autres à réaliser pour secourir les trop nombreuses victimes de la misère et du mauvais sort. Les tentatives qui ont pour but d’améliorer la condition des classes laborieuses répondent au sentiment public, et vont au-devant de tous nos vœux. Si les expédiens proposés semblent devoir tromper les calculs et trahir les espérances, l’accord unanime des intentions est tellement sincère qu’on hésite à soulever des objections, dans la crainte de décourager les bonnes volontés. N’était le devoir supérieur de s’opposer à des expériences périlleuses, qui ne sont pas plus permises sur le corps social que sur le corps humain, on se ferait scrupule de désabuser les déshérités de ce monde, dont les illusions mêmes ont droit à des ménagemens. Où auraient-ils trouvé le temps de méditer sur les impossibilités économiques? Leur philosophie, à supposer que la lutte pour la vie leur laissât le loisir d’en avoir une, substituerait simplement à la fameuse formule de Descartes cette variante, plus exacte pour eux: je souffre, donc je suis.