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seraient principalement les impôts de consommation sur les objets nécessaires à la vie quotidienne, ensuite les taxes douanières sur les produits de même nature; enfin, au besoin, une partie déterminée de l’impôt foncier, qui pèse sur la terre, source initiale de la production, de la nourriture et des matières premières de toute espèce. L’alcoolisme et l’ivrognerie étant le véritable obstacle à l’épargne, comme aux réformes sociales utiles, on chercherait de préférence à surtaxer l’alcool, non pas l’alcool industriel, mais l’alcool transformé en boissons et en liqueurs quelconques. Les cafés, les cabarets et tous les établissemens analogues, qui sont aujourd’hui la grande puissance électorale et politique, en même temps que le fléau des familles de travailleurs, fourniraient une large part des annuités au moyen de droits additionnels sur les patentes, les licences, etc. Par là s’établirait un nouveau genre de rapports et de solidarité entre les débitans de boissons et la clientèle innombrable dont ils sucent aujourd’hui la substance. Nous verrions une sorte de cabarets coopératifs; le buveur, en avalant son petit verre, aurait du moins la consolation ou l’excuse de penser qu’il verse quelque chose à la caisse des retraites.

D’autres impôts, de moindre importance, mais nettement spécifiés aussi, compléteraient les précédens, selon les circonstances, avec la même affectation précise. Naturellement l’État prélèverait un dixième sur la recette brute de ces contributions diverses, afin de couvrir les frais de perception. Les surplus éventuels permettraient d’alléger les surtaxes trop lourdes. L’insuffisance du rendement indiquerait, au contraire, la nécessité de relever les droits dans la mesure du possible. Ainsi, la lecture de simples tableaux mensuels démontrerait aux plus illettrés que, les sources des retraites se trouvant restreintes aux limites mêmes de la production et de la consommation générales, on ne pourrait augmenter arbitrairement le chiffre des pensions sans dépasser les facultés productives et imposables du pays. Cette leçon élémentaire d’économie politique et financière serait profitable à tous.

Quant aux détails d’exécution... Notre député réformateur ne doute de rien ; il nous excusera de ne pas le suivre plus loin. Ceux qui, à son exemple, élaborent avec conscience quelque système parfois spécieux de bienfaisance, de réconfort et de sécurité pour les misérables, voient déjà en imagination le bien accompli et la misère soulagée. Cela réchauffe le cœur. Malheureusement, le rabat-joie des chiffres et de la réalité vient refroidir les illusions généreuses. Si séduisant que puisse paraître sous certains aspects ce contre-projet de retraites, fondé sur la restitution partielle de l’impôt, la question décisive se pose toujours: combien coûterait-il ? Deux milliards et demi. C’est trop cher. On dira bien qu’un milliard