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Quel que soit l’intérêt légitime que la vieillesse nous inspire, l’enfance et la question nationale de la natalité qui faiblit ont droit à notre égale sollicitude. Bientôt la France comptera plus de grands-pères que de petits-fils. S’il est difficile de prier les enfans de prendre la peine de naître, il ne l’est pas moins de persuader aux parens de leur en fournir l’occasion. Personne n’a rien proposé de pratique pour remédier à cette carence. Les enfans sont trop chers à élever de nos jours; le premier acte de prévoyance et d’épargne des ménages est de réduire presque à l’unité le nombre des héritiers. Toute proposition de prélèvement nouveau imposé aux familles, même dans le dessein le plus louable, demande à être sérieusement examinée par le législateur. Nous avons une dette sacrée envers le passé que représentent les vieillards, mais aussi un devoir strict envers l’avenir que personnifient les enfans. Il y va de l’existence même de la nation.

On semble donc faire fausse route en se lançant dans une sorte de capitalisme à outrance, comme si tout le monde ou le plus grand nombre pouvait vivre sur le revenu d’un capital placé. Pas plus en France qu’ailleurs les conditions compliquées de la civilisation ne le permettent. La densité de la population exige que la masse subsiste sur le produit brut et que l’exception seule vive sur le produit net de tout l’ensemble des capitaux, du travail et de l’industrie modernes. C’est là, croyons-nous, un des phénomènes économiques qu’il importe le plus de ne pas perdre de vue.

La solution doit-elle être cherchée dans l’accroissement rapide des capitaux? Mais leur formation, qui résulte des profits définitifs de chaque exercice, se trouve forcément restreinte par les limites de la puissance de production et par celles de la faculté de consommation payante. L’abondance et l’excès de production font tomber les prix et les salaires. Comment sortir de ce cercle vicieux? A mesure que les capitaux augmentent, les intérêts diminuent. Nous avons doublé nos capitaux depuis soixante ans, et l’intérêt a baissé presque de moitié. Un million qui pouvait alors rapporter à cinquante personnes 1,000 francs de rente, ne peut plus aujourd’hui fournir que 500 francs de revenu annuel à cinquante personnes, ou 1,000 francs à vingt-cinq personnes seulement. Aucune combinaison ne saurait faire que nous ayons aujourd’hui, avec deux millions, plus de revenu que nous n’en avions, il y a soixante ans, avec un seul. Pour réaliser un véritable bienfait, il faudrait donc obtenir, sans procédés factices, et par un meilleur emploi des ressources existantes, une évolution supplémentaire des capitaux circulans sur lesquels subsiste la presque totalité du pays. Les efforts communs s’appliqueraient plus utilement à la découverte ou au perfectionnement des moyens propres