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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/662

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personne, Macdonald n’a ménagé l’expression de sa pensée, même avec les plus grands, avec Napoléon comme avec Louis XVIII ; c’est un Alceste soldat.

Demandez-lui la vérité : il vous la présentera toute nue, ni fardée ni attifée ; ne lui demandez pas la parure du style. Il s’est plusieurs fois et très franchement confessé à cet égard. « A la lecture de ce rapide récit, a-t-il dit au début même de ses Souvenirs, aux phrases décousues, à la répétition des mots, au désordre de l’orthographe et de la ponctuation, vous vous apercevrez facilement, mon fils, combien je suis absorbé dans l’idée prédominante de notre malheur, et vous jugerez de la situation de mon esprit mieux que je ne pourrais la peindre. D’ailleurs, je ne relis jamais, même mes lettres ; mais il en est autrement de la correspondance officielle, projets, rapports, instructions, opinions; vous serez frappé d’une différence de style très remarquable ; le mien est ordinairement précis, concis, positif, lorsque les matières ne demandent pas de développemens, car ils en gâtent toute l’énergie. » Ailleurs encore : « Je n’ai pas le loisir de relire ce que j’ai déjà écrit, par la mauvaise habitude que j’ai depuis longtemps adoptée, parce que, écrivant beaucoup et fort rapidement, j’apercevrais aisément des fautes ; mais, pour les corriger, il faudrait barbouiller ou recommencer, et le temps me manque toujours, quoique je sois fort matinal; c’est que j’en connais l’emploi et que je sais le mettre à profit. Cependant ne m’imitez point en ce qui touche à mes mauvaises habitudes ; écrivez moins et plus correctement. D’ailleurs ces notes historiques ne sont que pour vous seul, et vous serez indulgent pour votre père. » Le lecteur ne le sera pas moins, je m’assure, car ici le fond est cent fois plus intéressant que la forme.

Dans ce manuscrit de 472 pages in-folio tracées d’une main rapide, il n’y a pas une seule rature ; il s’y trouve donc un certain nombre de phrases décousues ou amphibologiques dont il a fallu nécessairement rétablir l’équilibre ou le sens ; ceci à part et aussi quelques détails intimes, d’un précieux intérêt pour la famille, mais qui n’en peuvent avoir que pour elle, le texte a été respecté comme il méritait de l’être. Cela dit, je demande au lecteur, avant qu’il aborde ces importans Souvenirs, la permission d’en résumer l’ensemble, en y ajoutant parfois certains éclaircissemens que j’ai trouvés dans les Archives du ministère de la guerre.


I.

Neel Macdonald, père du maréchal, était né, dans les derniers jours de l’année 1719, à Boubry ou Coubry, en South Wist, l’une des Hébrides. Élevé en France, à Douai, au collège des