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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/673

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dirent que, la jonction des deux armées devant bientôt se faire, Moreau le prendrait tout naturellement. On marcha vers les points de rendez-vous, Parme ou Plaisance ; ce fut là qu’on fut joint par le général Victor. Il remit à Macdonald une lettre de Moreau, toute pleine d’hésitation et d’incertitude ; déboucherait-il par Castelnuovo comme venait de faire Victor ? ou par Bobbio ? ou enfin par la Bocchetta ? Il n’en savait rien encore, mais il annonçait son mouvement pour le 20 ou le 21 prairial ; or on était au 26 ; il devait donc être en marche et déjà très avancé, peut-être en action même.

Deux rivières, ou plus exactement deux ruisseaux torrentueux, le Tidone et la Trebbia, courent parallèlement du sud au nord, de l’Apennin vers le Pô, en amont de Plaisance ; c’est entre les deux que l’armée prit position, le 29 prairial (17 juin). L’ennemi était en vue ; quelques coups de canon furent échangés, les premiers de cette bataille de la Trebbia qui devait durer trois jours. Retenu à Plaisance, Macdonald entendait le feu ; qu’est-ce que son avant-garde pouvait avoir devant elle ? Un détachement, tout au plus un corps d’observation ; car, si l’ennemi s’était retourné pour lui faire face, Moreau avait dû nécessairement l’arrêter en menaçant son flanc droit ou ses derrières. Cependant le feu augmentait ; une division qui avait voulu franchir le Tidone avait été refoulée sur les autres. Le soir venu, on se mit en ligne sur la Trebbia. Les incidens de la journée avaient amené l’ennemi à déployer ses forces ; plus de doute, on avait devant soi Souvarof et Mêlas, l’armée austro-russe tout entière. Fallait-il donc se retirer ? C’eût été le plus sage ; mais si l’on se retirait et que Moreau survenant, ne trouvant plus l’armée de Naples, fût écrasé par l’ennemi, ne crierait-on pas à la trahison ? Après une nuit d’angoisse physique et morale, Macdonald se fit porter auprès de ses troupes ; tout paraissait calme, lorsque vers midi cinq longues colonnes d’infanterie flanquées d’une cavalerie nombreuse apparurent et se jetèrent en hurlant sur la ligne française ; en dépit de leurs efforts qu’elles renouvelèrent plusieurs fois, il ne leur tut pas possible de la forcer. Le soir vint ; on prêtait l’oreille ; le canon de Moreau ferait peut-être entendre ses détonations lointaines ; rien. Malgré l’infériorité de ses forces, Macdonald avait résolu de prendre l’offensive ; l’armée la désirait. L’attaque devait commencer le 1er messidor (19 juin), à neuf heures du matin ; elle ne put commencer qu’à midi, parce que la division Montrichard mit trois heures à prendre sa place au centre de la ligne ; la droite et la gauche avancèrent, faisant reculer l’ennemi ; tout à coup le centre plia ; une trouée se fit et les ailes victorieuses durent rétrograder. Il fallut, comme la veille, reprendre la défensive, et la défensive fut, comme la veille, inébranlable ; l’ennemi se heurta contre une muraille d’acier. Saut