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L’armée de Naples continuait sa retraite ; elle eut, pour se procurer des vivres, avant de repasser l’Apennin, quelques petits combats sans importance. Macdonald reprit à Pistoïa son ancien quartier-général. C’est de là qu’il adressa au Directoire, en même temps que son rapport officiel, une demande de congé. « J’ignore, écrivait-il au ministre de la guerre, quelle sera l’opinion du gouvernement et la vôtre. Quant à moi, je n’ai aucun reproche à me faire; j’en atteste l’armée qu’on peut interroger. Il est une chose essentielle que je dois mettre sous les yeux du Directoire, ce sont les différentes dénominations et dispositions d’esprit des armées; on s’est aperçu que l’esprit de l’armée d’Italie dominait sur le nôtre, même parmi les généraux; j’avais sous mes ordres Victor et Montrichard. Empressez-vous, citoyen ministre, de faire supprimer l’armée de Naples pour la réunir à l’armée d’Italie. »

Quelque temps après, Abrial, devenu commissaire du gouvernement au tribunal de cassation, écrivait au ministre de la guerre: « Je viens de lire dans les papiers publics que le général Macdonald était rappelé, sans qu’il soit fait mention qu’il soit employé d’aucune autre manière. Je ne sais quelle tournure on a donnée auprès de vous à l’affaire de la Trebbia, mais moi, qui, dans ce moment, n’étais qu’à huit lieues du champ de bataille, qui ai recueilli des blessés, des officiers, moi qui me suis trouvé ensuite à Gênes avec mille témoins oculaires, je puis vous attester qu’il n’y a qu’une voix sur la sagesse de ses dispositions dans cette affaire. J’ignore ce que le général Victor a pu dire à Paris; ce que je sais, c’est que le général Moreau à Gênes, sur la demande précise que je lui en ai faite, a disculpé pleinement Macdonald du reproche d’avoir précipitamment livré la bataille sans attendre la jonction, et cette déclaration a été faite en présence même du général Victor et du commissaire ordonnateur de la marine de Naples; nous n’étions que nous quatre. Ce que je sais, c’est que je viens de recevoir à Paris une lettre du général Macdonald à moi adressée à Gênes, dans laquelle il se plaint gravement du général Victor. Excusez-moi si j’entre dans tous ces détails, mais je pense qu’il est de mon devoir de rendre témoignage à un général dont je crois les talens précieux pour la république. »

Macdonald avait reçu à Gênes l’autorisation de rentrer en France; il y avait trouvé d’abord une surprise désagréable : cette belle collection d’objets d’art qui aurait dû y être depuis longtemps arrivée, personne n’en avait eu de nouvelles; informations prises, il sut que les voituriers, effrayés par les insurrections de la Toscane, l’avaient délaissée à Pise et qu’elle avait été pillée, sous couleur de patriotisme italien, par d’honnêtes gens qui en avaient fait leur profit; ce fut une grosse perte et une déception amère.