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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/676

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III.

De retour à Paris, il fut plus que froidement reçu par le Directoire, mais les derniers jours de ce gouvernement étaient comptés. Bonaparte venait d’apparaître inopinément; de toutes parts on courait à lui, et lui, de son côté, ne négligeait pas de faire à bon escient des avances ; il en fit notamment à Macdonald. Il voulut un jour l’avoir à dîner avec Moreau; nécessairement on parla des affaires d’Italie et, dit Macdonald, « l’opinion du général amphitryon fut dès lors fixée en ma faveur. » Survint le 18 brumaire ; Macdonald y prit part en allant occuper militairement Versailles ; comme souvenir de l’événement, il reçut un sabre que le premier consul, était-il dit dans une lettre officielle de Berthier, ministre de la guerre, lui avait destiné en reconnaissance des services par lui rendus dans la journée du 18 brumaire an VIII. C’était un premier témoignage de gratitude ; il y en eut un second plus sérieux quand Bonaparte distribua les commandemens. Il devait y avoir deux armées du Rhin, l’une destinée à Moreau, l’autre à Macdonald; mais celui-là s’arrangea si bien au détriment de celui-ci qu’il se fit attribuer les deux ensemble. Macdonald indigné ne manqua pas de se plaindre au premier consul qui, étonné, répondit qu’il avait cru, d’après le dire de Moreau, l’affaire convenue entre eux, Moreau devant commander en chef et Macdonald sous lui. « Comment cela serait-il possible, se récria celui-ci, après ce qui s’est passé outre nous en Italie et les explications qui ont eu lieu devant vous à votre table? — C’est vrai, reprit Bonaparte, eh bien! votre santé n’est pas encore bien remise ; soignez-vous, et plus tard je remplirai ma promesse. »

On sait ce que fut la première armée de réserve, l’armée du Saint-Bernard et de Marengo ; il y en eut plus tard une seconde qui prit bientôt le nom plus significatif d’armée des Grisons; Macdonald en eut le commandement. Elle devait opérer dans les Alpes entre les armées du Rhin et d’Italie, donnant la main droite à celle-ci, la main gauche à celle-là. Moreau, qui tenait à se réconciher avec Macdonald, lui envoya ses félicitations : « Je te fais mon compliment bien sincère sur le choix du premier consul, et pour toi et pour nos relations. J’ai su que Bonaparte, nous croyant brouillés, craignait de nous mettre si voisins; j’avais un officier à Paris qui lui a assuré que nous étions très bons amis, et il le savait ; mais j’aurais désiré que, moins instruit, le premier consul t’eût donné le commandement de l’armée d’Italie; quoiqu’en relation moins directe avec toi, cela t’eût convenu davantage. » Plus tard, après la victoire de Hohenlinden, il lui écrivait encore : « j’ignorais