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et le siège, ou plutôt le blocus qu’il en fallut faire. En écrivant ses commentaires, César ne se doutait certes pas qu’il fournirait un modèle profitable à l’un des lieutenans de Napoléon, et c’est cependant ce qui arriva : « Je me souvins du fameux siège d’Alise, dit Macdonald, et je fis faire des travaux analogues. » La place se rendit enfin; le maréchal en rapporta un douloureux souvenir dont il fut hanté plus d’une fois ; ce fut sous les murs de Figuières qu’il eut sa première et très violente attaque de goutte ; quand il eut obtenu son rappel en France, il ne pouvait encore marcher qu’avec des béquilles.

Sa santé n’était pas rétablie entièrement, lorsqu’au mois d’avril 1812 il fut appelé à faire la campagne de Russie; il en prit son parti allègrement : « j’avais, dit-il, laissé mon fauteuil dans la forteresse de Figuières, je laissai une béquille à Paris et l’autre à Berlin. » Sauf une division française, son corps d’armée, le 10e, était composé d’étrangers, du contingent prussien formé de deux divisions d’infanterie avec une brigade de cavalerie légère, et d’une division mixte de trois régimens polonais, d’un régiment bavarois et d’un westphalien ; l’état-major général était français. Macdonald passa le Niémen avec toute la grande armée, le 24 juin, puis s’en sépara pour aller occuper, à l’extrême gauche, une position d’observation et d’attente sur les côtes de la Baltique, à l’embouchure de la Dvina. Après avoir pris possession de la tête de pont de Dunabourg, il attendit longtemps et vainement de nouvelles instructions. Il n’en reçut que de Yilna, c’est-à-dire tout à la fin de la désastreuse retraite de Moscou, et non plus de l’empereur, mais de Murat, qui cherchait à réunir les derniers restes de la grande armée.

L’ordre était de se replier sur Tilsit; cette retraite partielle commença le 19 décembre ; tout alla bien d’abord ; les troupes étaient reposées, bien nourries, chaudement vêtues de pelisses en peau de mouton. Le 10e corps arriva sur le Niémen, faiblement harcelé par les Russes ; l’arrière-garde, composée de la majeure partie du contingent prussien et commandée par le général York, avait jusque-là suivi exactement le gros à une journée de distance ; à Tilsit, Macdonald l’attendit vainement pendant cinq jours; il envoyait de tous côtés aux nouvelles : on ne savait rien du général York, c’était comme un mot d’ordre. Macdonald s’était bien aperçu depuis quelque temps d’un refroidissement notable dans la correspondance du général, mais il n’en était pas encore à suspecter sa conduite. L’état-major était d’avis de poursuivre la retraite sans plus attendre; déjà les Russes avaient passé le Niémen et d’un moment à l’autre ils pouvaient couper la route de Kœnigsberg : « Si j’avais été, dit Macdonald, moins confiant dans les sentimens d’honneur