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aux cavaliers 600 francs de sa propre bourse, autant à l’officier pour un cheval qu’il garda, et, malgré les instances de ces hommes, les renvoya vers leurs compatriotes. Ceux-là, du moins pour leur part, avaient voulu sauver ce qui restait de l’honneur prussien.

La générale avait été battue; Français, Polonais, Westphaliens, Bavarois, 4.000 ou 5,000 hommes environ, se rassemblèrent en hâte; ils marchèrent pendant vingt-deux heures sans discontinuer, sous la pluie, dans l’eau, par la nuit la plus noire; ils réussirent à gagner la forêt de Boemwald ; il était six heures du matin ; dans la journée, il n’y eut qu’une courte canonnade à l’arrière-garde. Enfin, on atteignit Kœnigsberg; là se trouvait une division de conscrits tout récemment arrivés de France; Macdonald la réunit à ses troupes et continua sa retraite sur Elbing. Il y trouva le roi de Naples qui lui enjoignit de se rendre à Dantzig, d’y laisser toutes ses troupes à la disposition du général Rapp, gouverneur de la place, et d’aller de sa personne au grand quartier-général attendre de nouveaux ordres. Murat avait hâte de retourner à Naples; il partit aussitôt, sans même prévenir l’empereur, laissant le commandement au prince Eugène. v Dantzig, Macdonald remit ses troupes au général Rapp ; la séparation fut pénible ; le chef et les soldats, presque tous étrangers, s’étaient liés d’une affection mutuelle que les périls affrontés en commun, les privations, les fatigues avaient rendue de jour en jour plus vive et plus sincère.

Où était le grand quartier-général? On n’en savait rien à Dantzig. A Berlin, où il passa d’abord, Macdonald apprit qu’il était à Posen ; il écrivit et reçut en réponse l’ordre de se rendre immédiatement à Paris.


VI.

En le voyant entrer, l’empereur tressaillit et ne lui dit pas un mot; le maréchal sortit indigné, jurant de ne plus retourner à la cour. Quelques jours après cependant, il y fut appelé par ordre ; l’empereur lui avoua qu’il avait été trompé sur son compte ; on l’avait faussement accusé d’avoir provoqué par sa rigueur la défection du contingent prussien. Lui et Macdonald avaient commencé dans le même temps à faire la guerre ; il fallait la finir ensemble, puisque la campagne qui allait s’ouvrir serait certainement la dernière. Ainsi parlait l’empereur.

Le 10 avril 1813, Macdonald fut nommé commandant en chef du 11e corps de la grande armée. Ce corps était composé de trois divisions d’infanterie et d’une brigade de cavalerie légère; l’infanterie était française pour les deux tiers; le surplus westphalien,