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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/788

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fit à Macdonald des remercîmens affectueux ; le maréchal, très ému, ne put que lui dire : « Adieu, sire, au revoir, dans trois mois. »

Macdonald reprit le chemin de Paris; à Doullens il put modérer la fougue d’Exelmans qui courait sabrer à Béthune les restes déjà licenciés de la maison du roi ; un peu plus loin, il croisa la voiture du maréchal Ney qui fit arrêter : « Vous vous rendez à Paris; allez, vous serez bien reçu ; l’empereur vous accueillera bien. — Je le dispenserai de toute politesse ; je ne le verrai point et n’entrerai pas dans son parti. » Macdonald ne voulait passer à Paris que le temps strictement nécessaire pour régler ses affaires, après quoi il irait s’enfermer à Courcelles. Sa porte, close à tous les visiteurs, fut cependant forcée par le maréchal Davout, ministre de la guerre, qui fit d’inutiles efforts pour l’amener à voir l’empereur. Arrêté par une violente attaque de goutte qui le retint à la chambre pendant trois mois, il partait enfin pour Courcelles quand vint la terrible nouvelle du grand désastre de Waterloo. Ce n’était plus le moment de s’éloigner de Paris.

Malgré sa répugnance pour le personnage, il fut obligé de voir Fouché. Ce président du gouvernement transitoire lui dit qu’il était urgent que le roi se hâtât d’arriver à Paris avant les étrangers, autant que possible, et, s’il voulait surprendre agréablement la population et l’armée, que ce fût avec la cocarde tricolore. Davout lui tint le même langage; c’était également l’opinion de Macdonald : « En bonne politique, dit-il, je reste convaincu encore aujourd’hui que l’adoption de ces couleurs, en 1814, aurait épargné à la France les calamités qui pesaient sur elle en 1815 ; quoique la politique excuse tout, même les plus grandes fautes, c’en fut une à la première restauration, peut-être aussi à la seconde de ne l’avoir pas compris ; si on y est retombé, ce ne sont pas les bonnes raisons qui ont manqué pour empêcher qu’elle ne fût commise : le roi était ébranlé, lors de mon entrevue avec lui ; mais les ministres qu’il ramenait de Gand le dissuadèrent. » C’est à Gonesse qu’avait eu lieu cette entrevue; Louis XVIII l’avait embrassé cordialement et s’était enfermé avec lui pendant plus d’une heure; il s’étonnait qu’on attachât tant d’importance à un détail si futile, à cette cocarde, un hochet : « Mais, répondait Macdonald, le roi s’en est donc joué quand, avant l’émigration, il a pris lui-même et porté ces couleurs? — Ah ! les circonstances étaient bien différentes, il fallait maîtriser la révolution. — Et s’en emparer aujourd’hui, sire. N’était-ce pas d’ailleurs, au temps jadis, les couleurs de la famille royale, et les Hollandais ne les reçurent-ils pas d’Henri IV? — Oui, mais c’était la livrée de sa maison. — Votre Majesté se rappelle sans doute ce qu’il a dit, que Paris valait bien une messe. — Oui, mais ce n’était pas très catholique. »