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Le comte d’Artois, le duc de Berry, les grands officiers, les ministres, avaient précédé le roi au château d’Arnouville : « Mon frère, mon neveu, dit-il en arrivant, voilà notre ami le maréchal ; embrassez-le. » Monsieur le fit avec beaucoup de grâce; son fils avec un peu d’embarras et de contrainte; la franchise de Macdonald le heurtait; elle le heurta tout de suite quand le maréchal, voulant épargner à la seconde restauration les fautes de la première, en reprit la longue énumération : abus, prodigalités, faveurs sans discernement, d’une part; de l’autre, injustices, hauteurs, mépris, il osa même dire violation de la charte; il ajouta qu’au mois de mars il n’y avait pas eu de complot, à preuve que, pendant les cent jours, personne ne s’était vanté d’y avoir eu part. « Il y a bien du vrai, mon frère, dans ce que dit le maréchal, » remarqua le roi ; mais Monsieur et les autres se contentaient de hocher la tête.

Le lendemain, au moment où Macdonald prenait congé pour retourner à Paris, le roi le retint : « Mon cher maréchal, j’ai besoin d’un nouveau service que je demande à votre zèle. Voici l’ordonnance qui vous nomme grand-chancelier de la Légion d’honneur; elle a été signée à mon passage à Roye, sur la présentation de M. de Talleyrand. » Macdonald remercia de cette grande marque de faveur; mais, se demandait-il, comment était-ce M. de Talleyrand qui la lui faisait accorder? Quel intérêt y avait-il? En roulant vers Paris, le maréchal trouva le mot de l’énigme : le président du conseil, redoutant de l’avoir pour collègue comme ministre de la guerre, l’exilait honnêtement dans une haute fonction qui n’avait rien de politique.

Louis XVIII allait mettre le dévoûment de Macdonald à une bien rude et bien cruelle épreuve : il lui demanda de prendre le commandement de l’armée de la Loire, en d’autres termes, d’en préparer le licenciement. Le maréchal se récria, refusa longtemps, « mais, dit-il, le roi insista tellement, avec tant d’opiniâtreté, sur le service personnel qu’il me suppliait de lui rendre, — ce sont ses propres expressions, — qu’il vainquit la mienne, toutefois sous deux conditions formelles : la première, qu’il me serait donné toute latitude d’agir; la seconde, que je ne serais nullement chargé d’être l’instrument des mesures qui pourraient être prises contre les individus, encore moins de leur exécution. Les ordonnances impolitiques du 25 juillet, par lesquelles étaient mis en jugement ou envoyés en exil plusieurs généraux et autres qui avaient plus activement pris part au début des cent jours, étaient publiques et, — qui le croirait? — c’était sur le rapport de Fouché, duc d’Otrante, ministre de la police, qu’elles étaient rendues, de lui qui, avant et