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LA
LIBERTE D’ASSOCIATION

La liberté d’association a toujours eu, en France, — et ailleurs encore, mais surtout en France, — cette fortune singulière de mettre, contre elle, tout le monde d’accord. A travers toutes les révolutions, la crainte des associations s’est maintenue et transmise comme un dogme. Sur ce point, la république a constamment pensé et agi comme l’empire, et le gouvernement de juillet comme celui de Louis XV. Le moment de changer ne serait-il pas venu? On commence à l’entrevoir et à en parler. Il n’est peut-être pas hors de propos d’indiquer l’état d’une question encore trop mal connue, sauf à dire et à répéter beaucoup de choses qui seraient banales si la vérité et le droit n’avaient à surmonter, pour triompher, une accumulation invraisemblable de défiances et de préjugés.


I.

Voici, d’abord, ce qui existe. Il faut le rappeler, car on s’imaginerait difficilement le réseau de prohibitions, de pénalités, d’empêchemens et d’entraves de toute espèce tendu autour des associations par la loi française. C’est, d’abord, une interdiction générale, pour toutes celles qui dépassent vingt personnes, quel qu’en soit l’objet, religieux, économique, scientifique, littéraire, ou même électoral. Toutes les associations qui ne sont pas des sociétés civiles ou de commerce, c’est-à-dire qui ont un autre but que de réaliser des bénéfices, alors même qu’elles n’ont ni organisation ni statuts, et qu’elles se réduisent à des réunions périodiques, sont soumises, par l’article 291 du code pénal, à l’autorisation,