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trustees, chargés d’administrer un fonds et d’en faire servir les revenus à un but déterminé. Pour la loi française, c’est une fraude, et les fidéicommisaires sont des personnes interposées, qu’il faut écarter pour reconnaître le véritable destinataire, cet incapable qui n’a pas le droit d’exister. Même dans le silence des actes, le juge est autorisé, invité, à rechercher et à déclarer les interpositions de personnes, et à annuler, de ce chef, les conventions ou les dispositions en apparence les plus régulières. La prohibition s’étend ainsi plus loin que les associations proprement dites : les fondations, les institutions, les établissemens, les œuvres, toute affectation d’un fonds à un objet déterminé., en sont également frappés. Sans l’autorisation du gouvernement, il ne peut y avoir que des fortunes privées, entre les mains de particuliers.

Supposons l’autorisation donnée. Elle aura toujours le même sens et la même portée. Elle créera une « personne morale, » c’est-à-dire une personne fictive, distincte des personnalités réelles qui composent l’association, et traitée comme une personne vivante, ayant les mêmes droits et les mêmes obligations. Des formes si variées que l’association peut revêtir, des droits et des obligations réciproques des associés entre eux et envers la généralité, de la possibilité de s’unir et de former un corps sans cesser de participer activement à la vie commune, le droit civil ne sait rien. Il n’a, pour tous les besoins, qu’une seule forme, toujours la même.

S’est-on plié à cette forme ? A-t-on passé par toutes les formalités légales et obtenu la reconnaissance de l’administration ? Il faudra encore, à chaque instant, recourir à une autorisation nouvelle. Il le faudra d’abord, et de par la loi, pour recevoir un don ou un legs ; et ici encore, l’interposition de personnes ne pourra servir à tourner la règle. Il le faudra, de plus, et le plus souvent, en vertu des statuts approuvés, qui réserveront l’autorisation pour les acquisitions, pour les ventes, pour tous les actes les plus importans de la vie civile. En consentant à faire vivre l’association, l’administration prend le soin de la maintenir en tutelle. Pour les congrégations, le principe est écrit dans les lois et ordonnances qui les concernent. Pour bien assurer l’application de la loi, on décidera que les associations sont soustraites aux principes ordinaires du droit, et ne sont pas obligées par les actes de mandataires officieux ou de gérans d’affaires.

Ainsi surveillée, refrénée, emprisonnée dans la rigueur des lois civiles et administratives, l’association relève directement du gouvernement, qui la crée, la suit, la fait vivre, et la dissout à volonté. Le principe est si ancré dans la législation française, qu’on l’a placé, et qu’on le place couramment, au premier rang des règles