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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/824

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du droit public. À ce titre, il est au-dessus du droit commun, et il autorise tous les arbitraires. La loi a été prodigue de peines contre les associations illicites : ce n’est pas assez. Quand il s’agit de les poursuivre, le gouvernement peut se passer de juges, les disperser violemment et par acte d’autorité. La liberté personnelle, la propriété, l’inviolabilité du domicile, doivent plier devant le principe d’ordre public, qui défend qu’on s’associe. Les tribunaux, gardiens nécessaires et constitutionnels du droit des personnes, doivent s’abstenir : les réclamations, s’il y en a, seront jugées administrativement et par la seule voie du recours pour excès de pouvoirs devant le conseil d’État.

Il semble que ce soit suffisant : il faut plus encore. Après le droit civil et le droit administratif, c’est le tour du droit fiscal. Il ne faut pas que les associations, même celles qui sont en règle avec la loi, puissent vivre et prospérer : il faut atteindre celles qui ont passé à côté de la loi, désarmée par l’excès même de sa sévérité. L’impôt les met en coupe réglée, et les frappe à l’endroit sensible.

La loi fiscale est dure pour toutes les sociétés, même les sociétés de commerce ou d’industrie. Outre les impôts ordinaires, qu’elles paient comme tous les particuliers, elles en supportent de spéciaux, et de fort lourds : le droit de timbre des titres, le droit de transmission, l’impôt, — récemment aggravé, — sur le revenu des valeurs mobilières, la taxe des biens de mainmorte. Mais quand il s’agit d’association, la fiscalité n’a plus de bornes. Le principe fondamental de la loi fiscale, établi par les législateurs de l’an VII, veut que l’impôt, ou tout au moins le droit proportionnel, ne frappe que les obligations, les libérations, les transmissions de propriété, en d’autres termes que le fisc ne vienne prendre sa part que d’un avantage acquis et réel, comme prix de la protection que l’État accorde à tous les droits et conventions privées. Religieusement respecté en toute autre matière, ce principe est mis délibérément de côté. On applique d’abord à toutes les associations la taxe sur le revenu des valeurs mobilières. Elles ne distribuent pas de bénéfices : il n’importe! Elles seront traitées comme si elles en distribuaient, et la taxe sera établie sur une fiction. Cela est encore insuffisant, et on a trouvé mieux, en inventant le droit d’accroissement.

Beaucoup d’associations, qui n’ont pas la personnalité civile, s’assurent néanmoins une certaine continuité en établissant par leurs statuts que la part de chacun de ceux qui viennent à mourir est recueillie par les autres. On avait discuté la question de savoir quel droit était dû sur cette réversion, et la jurisprudence avait reconnu que c’était le droit de mutation à titre onéreux. La loi du