Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/836

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelles exigences elle devra répondre, et ce qu’elle devra porter pour atteindre son but.

Avant tout, il faut en finir avec les prohibitions, avec les pénalités, avec cet ensemble de dispositions surannées dont un criminaliste a pu dire qu’elles étaient « une honte pour la législation française. » Les articles 291 à 294 du code pénal et la loi du 10 avril 1834 devraient disparaître sans retour. Liberté complète devrait être laissée d’abord aux simples réunions périodiques, sans organisation et sans charte, puis aussi aux associations proprement dites, c’est-à-dire à celles qui ont des statuts, et dont les membres contractent des obligations. Liberté même de déterminer ces obligations comme l’entendront ceux qui s’y soumettent, pourvu que, si elles impliquent en quelque mesure une aliénation de la liberté individuelle, la loi leur refuse toute sanction, et pourvu aussi que le droit d’entrer et de sortir librement soit complètement garanti. Comme contre-partie, il ne serait que juste d’imposer à toutes les associations organisées l’obligation absolue de la publicité de leurs statuts. Les sociétés secrètes n’ont, dans aucun système et sous aucun régime, droit à la sympathie et à la protection. La liberté, il faut le répéter, implique la responsabilité, et par suite exige le contrôle. C’est pourquoi elle a pour condition d’agir au grand jour : elle n’est pas faite pour ceux qui se cachent.

Il faut, en second lieu, permettre aux associations de vivre et de se développer. Laisser faire ne suffit pas : il faut encore élargir pour elles les cadres de la loi civile et administrative, et leur faire la place qui leur est due. La personnalité morale devrait leur être facilement reconnue, soit qu’elle leur fût accordée par un acte spécial, soit même qu’elle fût attribuée de plein droit, par la loi, à toutes celles qui se conformeraient à certaines conditions déterminées, et qui, par leur objet, paraîtraient plus spécialement dignes d’intérêt. C’est le régime des sociétés de commerce : pourquoi ne le leur emprunterait-on pas? Il serait même souhaitable que la création de personnes morales, par dispositions de dernière volonté, fût rendue un peu plus facile, et cassât d’être soumise à de vieilles règles de droit romain, qui, sous le prétexte d’une logique douteuse, empêchent la réalisation des volontés les plus respectables.

Nous irions plus loin encore. La personnalité civile n’est pas la seule forme du droit collectif. L’association peut en prendre beaucoup d’autres. Il n’est pas nécessaire, pour la faire vivre, d’imaginer une personne fictive qui agisse par l’organe de représentans. La collectivité peut avoir en elle-même une existence