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propre, et les droits qui appartiennent à l’ensemble des associés peuvent se concevoir et se formuler sans qu’il soit nécessaire de les faire reposer sur la tête d’un être de raison. Les formes que l’association est susceptible de revêtir sont infiniment variées ; rien n’empêcherait les con tiens particulières de modifier et de combiner de toutes les manières les relations des associés entre eux et avec la collectivité, la copropriété et le droit de jouissance des biens communs, le droit d’accroissement et les autres règles destinées à les gouverner. Les catégories de droit qui nous ont été léguées par le droit romain offrent plus d’un vide : le chapitre des associations, qui aurait sa place marquée à côté de celui de la vente, du louage et du mandat, fait tout à fait défaut, et celui même de la société est incomplet. Ce chapitre est tout entier à écrire : il serait prématuré de le faire dès aujourd’hui ; mais il est possible de préparer le terrain, et de laisser à l’expérience, qui en trouvera et fixera les principes, le temps de se former et de s’asseoir.

Enfin, la plus grande latitude devrait être laissée aux associations, et même, d’une manière générale, à tous les établissemens, instituts ou fondations, pour acquérir des biens ou pour recevoir des donations ou des legs, et en général pour se constituer et pour augmenter le patrimoine nécessaire à leur existence. À la seule exception des immeubles, qui doivent, par la nature des choses, suivre des règles particulières et dont l’accaparement doit être empêché, il est utile que les associations puissent s’enrichir. Des associations ou des établissemens riches sont le seul moyen, pour l’initiative privée, d’atteindre des résultats qui exigent de grandes dépenses, sans recourir à des sacrifices incessans et à des cotisations sans cesse renouvelées et toujours insuffisantes.

Est-il nécessaire d’ajouter que la législation fiscale, loin d’être un instrument de persécution, devrait, comme c’est son véritable esprit, se modeler sur le droit civil, se plier à ses différentes formes, et prendre pour base, non des fictions, mais la réalité du droit ? Si jamais, comme nous venons de le dire, le chapitre des associations vient à s’écrire, ce n’est pas seulement dans le droit civil, c’est aussi dans le droit fiscal qu’il devra trouver sa place.

Il va de soi que toute loi sur les associations implique une partie répressive. L’association peut servir à des délits qu’il convient de définir, ou dont la pénalité doit être aggravée lorsqu’elle s’emploie à les commettre. Ils sont de toute espèce. Non-seulement l’association peut faciliter des actes délictueux, mais elle peut en être le prétexte. Depuis la loi de 1867 sur les sociétés de commerce ;, les escroqueries commises sous le couvert d’opérations sociales ou de fondations de sociétés se sont multipliées dans une proportion inquiétante.