Ils errent ainsi, troupe brillante et vaine, jusqu’à l’instant où
l’éclat de rire de Cervantes retentit, qui les étonne, ces faibles
cœurs, et les disperse comme des ombres.
Mais auparavant, quelle brillante fortune ! Le moyen âge n’a-t-il pas incarné les plus beaux de ses rêves en ces couples d’amans : Perceval et Blanchefleur, Lancelot et Guenièvre, Cligés et Fenice, Érec et Énide, Tristan et Yseult ? Ces romans n’ont-ils pas, en Allemagne, suscité de grands poètes ? Ne sont-ils pas la source de l’Arioste ? N’ont-ils pas inspiré Chaucer ? Ne sont-ils pas le fondement sur lequel est bâti tout le moyen âge du romantisme ? Aujourd’hui enfin n’assistons-nous pas à une sorte de renaissance wagnérienne des idées de la Table-Ronde ?
On ne saurait voir jouer Lohengrin, sans ressentir cette impression que l’idéal des romans de la Table-Ronde trouve là sa réalisation toute-puissante. Dans une plaine sur les bords de l’Escaut, l’empereur tient sa cour et rend la justice, devant les nobles de Brabant. Le comte de Telramonde accuse d’un meurtre son innocente pupille Eisa. La jeune fille ne se défend point : elle dit seulement qu’un chevalier inconnu, qu’elle a vu un seul jour comme dans un songe, qui porte au cimier de son casque un cygne d’or, et qu’elle aime, viendra, et qu’il saura bien la protéger. Dit-elle vrai ? viendra-t-il ? ou rêve-t-elle encore ? Son persécuteur, le comte de Telramonde, attend, pour le combattre en champ clos, quiconque osera contredire son accusation. Sur l’ordre de l’empereur, au son des trompettes tournées aux quatre coins de l’horizon, les hérauts appellent le champion d’Elsa. Deux fois, le même appel monte dans le silence de la foule, et retombe. Le champion ne vient pas. Tout à coup, sur les méandres lointains de l’Escaut, une barque apparaît ; un cygne blanc la traîne ; elle porte un chevalier ; une lumière merveilleuse l’environne ; elle grandit ; elle approche ; elle aborde. Immobile, appuyé sur son épée, se dresse le chevalier. Chacune des mailles d’argent de son haubert étincelle ; un cygne d’or étend ses ailes sur son casque resplendissant. C’est lui, Lohengrin, c’est le libérateur. D’où vient-il ? Sa force est-elle humaine ou lui est-elle départie par des puissances supérieures ? Pourquoi doit-il cacher son être et sa destinée ? Qu’est-ce que ce Graal dont il est le chevalier, quel symbole représente-t-il ? Il est là, debout, beau, courageux et fort. Il est la pureté. Il suffit, c’est tout ce que nous savons de lui, et ce qui est plus étrange, nous ne pensons pas à lui en demander davantage. Le reste demeure dans le mystère, et l’un des charmes des héros de la Table-Ronde est précisément de nous apparaître au travers d’une atmosphère surnaturelle, si légère qu’elle tente notre curiosité sans l’irriter, et que nous ne songeons