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colonnes mobiles chargées de maintenir les mêmes communications et d’appuyer l’action répressive; de restreindre enfin l’importation des armes à feu dans l’étendue des territoires atteints par la traite, elles se livrent à un pur exercice de rhétorique! Quand elles s’engagent, en outre, à faire surveiller par ces stations et croisières intérieures les routes suivies par les trafiquans, à y arrêter les convois en marche ou à les poursuivre partout où leur action pourra s’exercer légalement; quand elles établissent des postes spéciaux, à l’effet d’intercepter ces convois aux lieux habituels de passage, aux points d’aboutissement et de croisement des principales routes de caravanes traversant la zone voisine de la côte déjà soumise à leur action[1]; lorsqu’elles prescrivent aux autorités locales d’organiser une surveillance rigoureuse dans les ports et les contrées avoisinant la côte, à l’effet d’empêcher la mise en vente et l’embarquement des esclaves amenés de l’intérieur, ainsi que la formation et le départ vers l’intérieur des bandes de chasseurs d’hommes, c’est de leur part une sorte de fantaisie « altruiste, » le simple jeu d’une imagination bienveillante! Cependant la sanction de toutes les injonctions et de toutes les défenses vaguement énoncées dans l’acte de Berlin, reproduites et développées avec une remarquable précision dans l’acte de Bruxelles, devait être écrite dans une sorte de législation pénale internationale, et celle-ci sortait en effet de l’entente commune : les puissances s’obligeaient à édicter, dans le délai d’un an[2], des lois rendant applicables aux diverses séries de crimes commis dans la chasse à l’homme leurs propres lois sur les attentats commis contre les personnes ou contre la liberté individuelle. Par une conséquence logique, l’entente s’établissait encore pour l’arrestation des coupables qui se seraient soustraits à la juridiction des autorités du pays où les crimes auraient été commis et pour leur jugement. Les signataires allaient jusqu’à prendre l’engagement de se communiquer, dans le plus bref délai possible, les lois et décrets existans ou promulgués en exécution du nouveau pacte! Des mesures internationales complémentaires garantissaient enfin aux esclaves fugitifs, ou libérés par la dispersion des convois, des secours, un droit d’asile dans les camps ou stations officiellement établis par les puissances contractantes, et même, si les circonstances le permettaient, le rapatriement. Ce n’est pas là, si nous ne nous trompons, l’œuvre de quelques rêveurs : on veut, on peut agir.

  1. Les dernières correspondances, en nous informant que les Allemands vont établir un nouveau poste militaire à Kirando, nous apprennent qu’on a tiré le plus grand parti du poste établi précédemment à Oujiji pour entraver le trafic des esclaves dans l’Ounyamouesi.
  2. A moins qu’il n’y fût déjà pourvu par les lois existantes (chap. I, art. 5).