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propositions françaises pour faire entendre que la France avait été jouée à Bruxelles. Nous avions aussi proposé d’interdire dans l’Afrique entière l’importation des armes perfectionnées, car c’était grâce à l’emploi de ces armes, à la terreur inspirée par la poudre et les balles, le cardinal Lavigerie l’avait dit vingt fois, que les bandes sauvages d’Arabes et de métis forçaient les populations désarmées de l’intérieur à se soumettre au joug, à fuir dans les jungles, à tomber éperdues entre les mains de leurs bourreaux, et nous aurions, paraît-il, échoué de même. L’une et l’autre critique ne portent que sur des points de détail ; mais, même avant de retracer le tableau de la grande défaite qu’on nous aurait infligée à propos de la traite maritime, on tend à démontrer par là que nous n’avons rien obtenu, rien fait, que nous avons apposé notre signature au bas d’une page blanche et prêté notre concours à des mesures illusoires. La réponse est simple.

L’abus des spiritueux préoccupait déjà les plénipotentiaires de Berlin quand ils avaient engagé, dans ce premier Acte général, les puissances signataires à veiller à la conservation des populations indigènes et provoqua depuis cette époque, on le sait, un vif mouvement d’opinion soit en Angleterre, soit en Amérique ; aussi la conférence de Bruxelles fut-elle saisie de nombreuses pétitions qui l’invitaient à réprimer soit l’importation, soit le trafic des liqueurs fortes en Afrique, par des mesures énergiquement prohibitives. La France, qui frappe l’alcool de droits très élevés dans presque toutes ses colonies, chercha naturellement à faire adopter ses propres principes par les plénipotentiaires de Bruxelles, et proposa la prohibition absolue dans certaines régions, l’établissement d’un droit de 50 francs par hectolitre d’alcool à 50 degrés dans le reste de l’Afrique. Toutefois elle rencontra, parmi les représentans de quelques autres puissances, notamment chez ceux de la Hollande et de l’Allemagne, une vive résistance, et dut transiger. Mais cette transaction ressemble fort à une victoire. D’abord on divisa l’Afrique en deux régions, qui furent soumises à des régimes distincts : une région non contaminée, c’est-à-dire dans laquelle l’usage des boissons distillées n’existait pas ou ne s’était pas développé ; une zone délimitée par le 20e degré de latitude nord et par le 22e degré de latitude sud et aboutissant vers l’ouest à l’Océan-Atlantique, vers l’est à l’Océan-Indien et à ses dépendances, y compris les îles adjacentes au littoral jusqu’à 100 milles marins de la côte. La conférence interdit d’abord, d’une manière absolue, le trafic et même la fabrication des boissons distillées dans la première zone, et soumit l’autre, qui se trouvait restreinte au littoral, à des entraves douanières. Les taxes de 15 et de 25 francs par hectolitre dont il a été parlé soit dans le rapport de M. Charmes, soit dans la discussion