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une sorte de législation pénale internationale et s’engagent à se communiquer les renseignemens relatifs au trafic des armes à feu et des munitions, aux permis accordés ainsi qu’aux mesures de répression appliquées dans leurs territoires respectifs. Il serait puéril soit de contester en ce point la gravité, l’efficacité du pacte de Bruxelles, soit de convertir en un échec ce qui peut être regardé comme un succès de la diplomatie française. Le cardinal Lavigerie, qui tenait tant à la prohibition des armes et de la poudre, ne s’y est pas mépris : aucune partie de l’Acte général n’a provoqué de sa part une plus vive explosion de reconnaissance[1].

Un député français, élargissant le débat, a, pour démontrer l’inutilité de l’Acte, invoqué des considérations plus générales. M. Deloncle s’est prévalu, dans la séance du 24 juin 1891, des changemens opérés depuis deux ans dans l’état de l’Afrique. Il admet que nos diplomates soient allés à la conférence en 1889, parce qu’une très grande partie du noir continent était encore, à ce moment, res nullius, notamment sur la côte orientale. Mais, depuis ces derniers mois de 1889 où les principales clauses de l’Acte général ont été convenues entre les puissances représentées à Bruxelles, « des arrangemens territoriaux sont survenus en si grand nombre que, on peut l’affirmer aujourd’hui, le partage de l’Afrique est accompli. » Dès lors, quelle nécessité d’un nouvel Acte général « maintenant que l’Afrique a été partagée entre des nations civilisées et qui ont pris la responsabilité matérielle et morale des territoires placés sous leur influence? » Ainsi les progrès d’une ou de deux puissances dans l’intérieur ou sur le littoral de l’Afrique dispenseraient toutes les nations civilisées d’une entente commune pour arriver à l’extinction de la traite ! c’est ce dont nous doutons fort. Il suffit de jeter les yeux sur l’Acte général pour se convaincre que certaines mesures indispensables deviennent inexécutables si tout le monde ne s’astreint pas à les exécuter. Croit-on, par exemple, que les restrictions mises à l’importation de l’alcool et des armes à feu puissent avoir un effet quelconque dès qu’elles n’astreignent pas toutes les puissances ? Il suffit qu’une d’elles abaisse la barrière dans une pensée de lucre pour que les matières prohibées se précipitent par la brèche ouverte au détriment des autres puissances et pour que chacune d’elles modifie le pacte

  1. Voir son allocution du 21 septembre 1890. Nous n’insistons pas sur le débat provoqué, dans les séances du 24 et du 25 juin 1891, par la réponse de lord Vivian au représentant de l’empire allemand qui demandait au gouvernement de la reine de s’engager à faire interdire l’exportation des armes de la colonie du Cap. L’incident n’a qu’une médiocre importance, et la citation faite par M. F. Charmes, rapporteur (voir l’Officiel du 26 juin 1891, p. 1433, 1re col.), nous parait absolument péremptoire.