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sur l’avenir, car n’ayant rien, bien fin aurait été celui qui aurait pu lui prendre quelque chose. Les premiers constructeurs eurent même la chance de gagner. Tant que la fièvre de la spéculation fut dans sa phase ascendante, ils purent vendre dans de bonnes conditions leurs maisons, payer leurs créanciers, et se retirer avec quelque argent. Mais bientôt cette poussée des prix s’arrêta. Le plus grand nombre des constructeurs se trouva possesseur de maisons dont la vente était impossible, et dont les loyers étaient loin de couvrir les intérêts des sommes hypothéquées. La crise alors se déclara. Elle s’annonça dès la fin de l’année 1887, augmentant ensuite chaque jour d’intensité. Les entrepreneurs dont les maisons étaient inachevées durent en suspendre la construction, faute de pouvoir obtenir de nouveaux prêts. Les banques qui avaient vendu le terrain et celles qui avaient prêté pour y bâtir ne reçurent plus les intérêts de leurs capitaux. Les unes procédèrent à l’expropriation, en vertu de leurs droits d’hypothèques, et durent racheter les immeubles qui ne trouvaient pas d’acquéreurs. D’autres tâchèrent de s’arranger à l’amiable, pour éviter au moins les frais des enchères; bref, toutes se trouvèrent posséder des maisons dépréciées, qu’on ne pouvait vendre, si ce n’est à des prix dérisoires. Et ces maisons rapportaient : celles qu’on pouvait louer, une faible partie seulement de l’intérêt des capitaux qu’elles avaient coûté ; celles qui étaient inachevées, rien du tout. Ce fut un effondrement complet. Les actions de la Banque tibérine, par exemple, qui étaient cotées 600 francs en mars 1887, tombent à 35 francs en mars 1891. Celles de l’Esquilino, lesquelles valaient 294 francs en mars 1887, ne se paient plus que 2 francs en mars 1891.

Le groupe vénitien s’était trouvé exclu des conventions des chemins de fer. Il importait au ministère de ne pas se l’aliéner, les députés qui y avaient des attaches étant des plus fidèles de la majorité transformiste. On lui chercha donc une compensation, et il eut à ce titre les aciéries de Terni. Ce ne devait être qu’un premier pas ; les visées de ce groupe étaient beaucoup plus hautes, il voulait fonder avec l’argent des contribuables la grande industrie sidérurgique en Italie, et en demeurer maître. Après les aciéries de Terni, il devait avoir la concession de l’exploitation des mines de fer de l’île d’Elbe, et construire des hauts-fourneaux pour produire la fonte à Civita-Vecchia. Sous prétexte de protéger cette industrie, qui n’était pas encore née, le gouvernement mit sur la fonte un droit d’entrée de 10 francs par tonne, lequel est fiscal, en attendant le jour où il pourra devenir protecteur.

Nous verrons que ces faits, avec ceux que nous allons maintenant