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mais il n’est pas sûr que l’argent ainsi obtenu soit toujours employé exclusivement dans ce dessein[1]. Naples, qui a obtenu des subsides du gouvernement pour assainir la ville, a dépensé de fortes sommes pour faire une place devant le palais municipal, une galerie monumentale, et beaucoup d’autres travaux semblables, qui n’ont qu’un rapport fort éloigné avec l’hygiène.

L’instruction élémentaire a fait d’assez grands progrès en Italie. En 1866, il y avait 60 hommes et 79 femmes pour 100 qui n’ont pas pu signer leur contrat de mariage, et, en 1889, ces proportions se réduisent à 41 pour les hommes et à 60 pour les femmes. L’Italie demeure pourtant bien inférieure, sous le rapport de l’instruction élémentaire, à la plupart des États civilisés de l’Europe[2], et le défaut d’instruction technique pèse lourdement sur le développement de la production industrielle.

Les dépenses totales de l’Italie (État, provinces, communes) pour l’instruction élémentaire étaient de 54 millions en 1887, tandis que la France dépensait alors 173 millions[3]. Il est permis de croire que l’Italie aurait été plus sage si elle avait songé à mieux instruire sa population avant de jeter son argent dans le gouffre des armemens imposés par la triple alliance.

L’émigration se distingue en temporaire et en permanente. L’émigration temporaire est surtout composée de terrassiers, de maçons, de tailleurs de pierre, qui vont chercher de l’ouvrage à l’étranger. Ils partent généralement au printemps et reviennent au commencement de l’hiver. Ils vont en France, en Suisse, en Autriche, et maintenant aussi en Grèce et dans les États des Balkans. L’émigration permanente se dirige principalement vers l’Amérique.

Les chiffres de l’émigration donnés par la statistique ne sont pas, en général, très exacts[4]. Une cause spéciale d’inexactitude pour l’Italie est que, pour échapper aux vexations de la police, beaucoup d’émigrans déclarent s’absenter temporairement pour aller chercher de l’ouvrage à l’étranger; quand ils ont pu passer la frontière, ils s’embarquent pour l’Amérique et ne

  1. Une récente circulaire du ministre du trésor, M. Luzzatti, appelle l’attention des préfets sur cet abus.
  2. Bodio, loc. cit., p. 18. La proportion pour cent des conscrits ne sachant ni lire ni écrire était, en 1889 : Italie 42, France 9, Allemagne, moins d’un (six pour mille), Autriche 24, Hongrie 36, Belgique 13, Suisse et Suède, moins d’un.
  3. Les documens français manquent après 1887. Pour l’Italie, M. Bodio donne 62 millions pour la dépense en 1889. Pour l’Angleterre et le pays de Galles (qui ont une population à peu près égale à celle de l’Italie), la dépense totale (y compris les taxes scolaires, etc.) a été de 183 millions de francs en 1889.
  4. De Foville, la France économique, p. 54; Bodio, loc. cit., p. 8.