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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/929

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jouer avec les enfans d’un riche Français qui possède une villa dans les environs de Florence. Quand elle s’en allait, on lui bourrait ses poches de friandises. Un jour elle se hasarda timidement à demander qu’on lui donnât du sel au lieu de bonbons, car, disait-elle, la mère par économie ne mettait pas de sel dans la soupe, qui ainsi était fort mauvaise ! Dans la Vénétie, si les enfans peuvent s’introduire dans une cuisine où il y ait du sel et du sucre, ils mangent plus volontiers du premier que du second. Au reste, la consommation de sel par habitant est de 8 kil. 4 en France, et seulement de 7 kilogrammes en Italie. Cette petite différence dans la moyenne de la consommation représente une somme énorme de souffrance pour le peuple[1].

L’impôt n’atteint pas seulement les consommations de l’ouvrier, il grève encore sous plus d’une forme directement l’industrie. M. L’ingénieur Cottrau, qui a longtemps dirigé une grande usine de constructions métalliques à Castellamare, a publié des documens qui font voir que les usines italiennes paient des impôts de beaucoup supérieurs à ceux qui grèvent les usines belges qui leur font concurrence. Il se plaint aussi que son industrie ait été sacrifiée à celle de la fabrication du fer, laquelle n’a en Italie aucune chance de pouvoir prospérer[2].

Outre les industries de la construction des ponts et des toitures métalliques, des machines, des wagons, etc., il y en a d’autres qui pourraient se développer dans de bonnes conditions en Italie. La principale est certainement celle de la soie, mais il y en a aussi beaucoup d’importance secondaire, comme l’industrie de la paille, des coraux, des verreries de Venise, des brosses[3], des allumettes, des meubles sculptés, des faïences artistiques, etc. On achète à Florence des meubles sculptés pour des prix minimes; dans la même ville, les faïences de Cantagalli sont du meilleur goût et très bon marché, ce qui fait qu’elles s’exportent largement. Tout le monde connaît les mosaïques de Florence et de Rome, les bijoux imités de l’antique, etc. Ce sont ces industries qu’on aurait dû laisser se développer, au lieu de les surcharger d’impôts pour favoriser les gens qui plaisaient au gouvernement.

  1. Pour 1889, l’impôt sur le sel a rendu, en France, 32,849,000 francs et, en Italie, 61,794,000. Par tête d’habitant : en France, 0 fr. 85; en Italie, 2 fr. 06.
  2. Giornale degli cconomisti. Roma, mars 1891. Pour chaque tonne de travées métalliques qu’elle construit, l’usine italienne paie en droits de timbre 13 fr. 20. et l’usine belge seulement 2 fr. 20.
  3. Dans ces dernières années, l’Italie a exporté pour à peu près 5 millions de francs par an de racines pour faire des brosses. La France en reçoit d’Italie à peu près 12,000 quintaux métriques par an.