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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/936

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à des établissemens turinois. D’autres occasions semblables permirent au gouvernement d’étendre ses bienfaits à aussi peu de frais; et, depuis ce temps, les bilans officiels que publie la Banque nationale portent au chiffre de la circulation la singulière note que voici : « A déduire, 69,151,525 francs, qui représentent: billets de la Banque romaine dans les caisses de la Banque nationale, 15,401,525 francs; avance faite à la province de Cagliari, 3,750,000 francs, et circulation extraordinaire en faveur des établissemens turinois, 50 millions. »

On a voulu établir une analogie entre cette manière de procéder et les interventions de la Banque d’Angleterre et de la Banque de France dans des crises récentes. Mais ce sont là des choses essentiellement différentes. D’abord, la Banque de France comme la Banque d’Angleterre continuent d’échanger leurs billets contre de l’or à guichet ouvert : elles sont donc intervenues à leurs risques et périls. Au contraire, les banques d’émission italiennes ont créé du papier-monnaie que la loi oblige les citoyens à recevoir pour une valeur qu’il n’a pas. Ensuite, en Angleterre et en France il s’agissait d’une liquidation, et non d’une opération sur des immeubles comme en Italie.

Il faut dire, à la louange des administrateurs du Banco de Naples, qu’ils se refusèrent absolument à entrer dans cette voie. Ce fut la Banque nationale qui fournit presque toutes les subventions que désirait le gouvernement pour masquer la crise, et ces subventions ne sont pas toutes en évidence dans les bilans qu’on publie.

La Banque nationale n’accuse que 17 millions d’effets en souffrance au 31 décembre 1890. Mais des 402 dont, à la même époque, se composait son portefeuille, quelle partie sera réellement payée à l’échéance, et quelle partie n’a que l’apparence de lettres de change à trois mois, et représente en réalité des opérations d’une plus longue durée[1]? Les débiteurs divers figurent pour 372 millions, c’est-à-dire pour une somme presque égale à celle du portefeuille. Est-ce bien là le rôle d’une banque d’émission et d’escompte que de grossir ainsi le chiffre des immobilisations aux dépens du portefeuille

  1. Bodio, loc. cit., p. 79. « A la fin de 1889, le portefeuille augmente beaucoup parce que la Banque nationale dut faire pour 40 millions de subventions extraordinaires à la Banque tibérine, pour 10 millions à la Foncière italienne, etc. » Ce sont là les instituts turinais dont nous avons parlé plus haut. — Le portefeuille se compose, il est vrai, d’effets à trois mois, que l’on ne doit pas renouveler. Mais quand la Banque veut favoriser un débiteur, elle lui escompte de nouvelles traites avant l’échéance des anciennes, qu’il peut ainsi payer. Et, de la sorte, ses traites se trouvent renouvelées de fait, sinon de nom. Cette situation est si connue que le ministre du trésor lui-même insiste sur le fait qu’une partie du portefeuille de la Banque est immobilisée!