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Il y eut un moment, il est vrai, où l’on put croire que le Banco de Naples allait entrer dans une meilleure voie ; ce fut sous l’administration du comte Giusso. Mais celui-ci dut bientôt résigner ses fonctions, car sa rigide probité ne pouvait convenir à tout le monde, et il n’était pas assez souple pour M. Crispi, qui désirait avoir des instrumens plus dociles.

Le Banco de Naples accuse 16 millions d’effets en souffrance au 31 décembre 1890; mais c’est peut-être là le moindre mal de son bilan. Quant au Banco de Sicile, il a eu de grandes pertes et a traversé d’étranges péripéties qui ont largement défrayé la chronique des journaux. Il y a même eu des incidens dramatiques, comme celui du vol des documens confidentiels adressés par le gouverneur de cette banque au ministre. Heureusement il paraît que maintenant le Banco de Sicile jouit d’une meilleure administration.

La Banque nationale est la plus importante, et, après la Banque toscane de crédit, la mieux administrée des banques d’émission italiennes. Malheureusement, dans ces dernières années, elle s’est mise à la remorque du gouvernement, espérant, à force de complaisance, obtenir le monopole de l’émission des billets de banque. Elle avait la promesse de M. Crispi, mais il tomba avant d’avoir pu exécuter ses projets, et il ne resta à la Banque nationale que les charges dont elle avait grevé son budget pour courir après ce leurre.

M. Crispi ne voulait pas, ne pouvait pas admettre qu’une politique aussi parfaite que la sienne pût produire une crise économique dans le pays. Les journaux officieux disaient que la baisse des valeurs à la Bourse n’était due qu’à de coupables manœuvres. Pour les déjouer, on défendit de crier les cours des titres à la Bourse de Rome, on emprisonna à Turin un agent de change, dont les cliens, paraît-il, vendaient beaucoup plus de titres qu’ils n’en achetaient. Enfin, quelques correspondans de journaux s’étant permis de ne pas voir en rose l’avenir économique de l’Italie, M. Crispi les fit expulser manu militari.

Ces mesures sages et énergiques n’ayant produit aucun effet, et la baisse des titres ayant continué dans de fortes proportions, il n’est peut-être pas téméraire de supposer qu’elle avait des causes plus réelles que celles que lui assignait M. Crispi.

Or pour empêcher qu’une supposition aussi pernicieuse se répandît dans le pays, il était nécessaire d’éviter certaines faillites par trop importantes; car ce sont là des faits qu’il est malaisé et même impossible de nier. Il est d’ailleurs facile d’être généreux quand, pour cela, on n’a qu’à créer du papier-monnaie. La Banque nationale fut invitée à en imprimer pour 50 millions, qu’on distribua