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justifier leur politique d’animosité. Tant que la question ne sera pas vidée entre ces deux camps au-delà des Alpes, on ne sera pas à l’abri des incidens. C’est aux Italiens à la trancher entre eux, s’ils le veulent.

Jusque-là ce qu’il y aurait de mieux à faire pour la France, ce serait, non pas de manquer de vigilance et de fermeté, mais de s’occuper le moins possible des affaires de l’Italie, de ne pas se perdre en vaines polémiques pas plus qu’en offres de sympathies qui reçoivent de si singulières réponses ; ce serait de se borner à des rapports corrects, de laisser en un mot les Italiens à eux-mêmes, à leurs intérêts, à leurs alliances, à leurs petites démonstrations. Ce n’est point après tout un peu de mauvaise humeur italienne, un peu de gallophobie pour quelques pèlerinages qui allumera l’incendie en Europe!

Avant qu’il soit longtemps, la lutte des partis se resserrera pour l’épreuve décisive des élections en Angleterre. Elle n’est encore qu’à demi engagée : ce n’est qu’après la session prochaine, la dernière du parlement existant aujourd’hui, qu’elle prendra son ampleur et tout son caractère. Elle commence néanmoins à se dessiner entre le ministère et l’opposition, entre les conservateurs alliés aux unionistes et les libéraux de toutes nuances, marchant toujours au combat sous le drapeau du grand et infatigable vieillard, M. Gladstone. Déjà dans les deux camps on se prépare, sans attendre le dernier moment, qui pourrait être hâté par une dissolution. M. John Morley, qui, avec sir William Harcourt, est un des chefs du libéralisme, ouvrait l’autre jour la campagne à Cambridge, et faisait dans son langage ingénieux et acéré, élégant et ferme de lettré supérieur, le procès du torysme, du ministère Salisbury et de sa politique : mais M. John Morley ne faisait que préparer l’entrée en scène de M. Gladstone lui-même qui, ces jours passés, avec une ardeur que l’âge ne refroidit pas, est allé exposer à New-Castle, devant des masses ébranlées et entraînées par sa généreuse parole, le programme du parti libéral. Il y a tout mis, le home-rule en tête, les réformes démocratiques, les lois agraires, une extension nouvelle du droit électoral, bien d’autres choses encore. Que tout, dans ce programme de New-Castle, ne soit pas d’une réalisation prochaine et facile, c’est possible : M. Gladstone y a mis ce qui fait la sève et la force d’un parti libéral, une passion désintéressée d’équité. Il a donné le mot d’ordre à son armée! Reste à savoir ce que réserve l’imprévu, ce que les événemens peuvent porter de chances diverses aux uns et aux autres, et même quelle influence peut avoir dans les élections prochaines la disparition d’un homme qui, malgré les dernières épreuves de sa vie, était demeuré un puissant athlète, — M. Parnell, enlevé récemment par un mal soudain.

De toute façon, c’est certes une figure originale du monde britannique qui disparaît avec M. Parnell. Tout en lui était contraste. Passionné