veut faire entrer dans le budget. Cette question a été souvent agitée depuis une dizaine d’années sans jamais aboutir à une solution. La dernière tentative sérieuse remonte à 1886, au temps où M. Carnot était ministre des finances, et M. Carnot fut obligé de renoncer à la combinaison qu’il avait étudiée et qui devait faire partie du budget. Sous le ministère de M. Tirard, ce fut la commission de la chambre, qui, sous l’influence et par l’organe de son rapporteur général, M. Yves Guyot, entreprit de supprimer l’impôt sur les boissons par voie budgétaire. Le parlement eut la sagesse de reculer devant un changement qui pouvait compromettre gravement l’équilibre du budget. M. Rouvier, à son tour, a repris la question : il a adopté pour bases de sa combinaison les points essentiels des propositions de M. Carnot, à savoir l’affranchissement des vins, cidres et bières, et, par compensation, le relèvement des licences des débitans et une augmentation notable du droit sur l’alcool, qui serait porté de 154 francs à 200 francs l’hectolitre ; mais, instruit par les expériences malheureuses du passé, il s’était gardé d’établir un lien entre la mesure préparée par lui et le budget de 1892. Il en avait sagement fait l’objet d’un projet de loi spécial soumis à toutes les règles de la procédure parlementaire et dont l’examen ne devait apporter aucune complication ni aucun retard dans le vote du budget.
Le ministre des finances, comme c’était son rôle, s’était préoccupé de ne point diminuer les ressources du trésor ; il s’était attaché à retrouver d’un côté ce qu’il abandonnait de l’autre, et il avait assez de confiance dans ses calculs pour croire qu’il ne résulterait de l’adoption de son projet aucun amoindrissement des recettes. La commission n’en a pas demandé davantage ; désireuse d’enlever à un ministre qu’elle n’aime guère et de s’attribuer à elle-même le mérite d’une réforme populaire, elle s’est dit que, puisqu’il y avait équivalence entre le rendement de l’ancien impôt et le produit attendu de la nouvelle combinaison, il ne pouvait y avoir aucun inconvénient à faire immédiatement passer celle-ci dans la pratique. Voilà donc la loi de finance compliquée de deux graves questions qui donneront certainement lieu à des débats sérieux et qui pourront reculer jusqu’aux derniers jours de l’année, peut-être au-delà, le vote définitif du budget.
Le sénat n’a pas encore pu aborder l’examen du nouveau tarif des douanes, et il faut que ce tarif soit voté et prêt à être mis en vigueur le 1er février prochain, date de l’expiration des traités de commerce dénoncés par la France. Cette assemblée, au sein de laquelle tous les intérêts agricoles et industriels sont puissamment représentés et que les mécontens considèrent comme une cour d’appel