Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 108.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

métaphysique flottant dans un rayon de sentiment. » Puis vient le sarcasme ordinaire : « Voilà un dieu pour le beau temps ; il nous en faudrait un autre pour les jours de pluie ! » Enfin, revenant au sérieux, il conclut que cette religion n’a point d’avenir parce qu’elle ne ménage point sa place à la conviction intellectuelle, parce qu’elle s’associe pour jamais au mystère.

Passons, avec le critique anglais, de Rousseau à ses disciples et arrêtons-nous à certain article sur Robespierre qui a, autrefois, causé quelque émotion et qui n’est pas encore oublié. C’est cet article qui l’a fait traiter de jacobin par quelques politiciens faciles à émouvoir et à scandaliser.

Il est vrai que M. Morley s’y montre très indulgent pour les actes législatifs de Robespierre, et que, par momens, l’étude prend les allures d’une apologie. La grande faute de Robespierre, c’est, paraît-il, une faute de goût. L’ordonnance de la fête de l’Être suprême ne valait rien et le dieu des jardins de Robespierre était fort inférieur à la déesse Raison de Chaumette. La société peut-elle subsister sans Dieu ? — Oui, répond Chaumette. — Non, répond Robespierre. C’est la lutte de Voltaire et des holbachiens contre Rousseau et les sentimentalistes qui a passé des livres à la tribune et des salons dans la rue. Il s’agit de savoir qui guillotinera son concurrent, du Dictionnaire philosophique ou du Vicaire savoyard. Oserai-je avouer que les sympathies de M. Morley, en cette circonstance, sont avec Chaumette ? Robespierre a « le tempérament sacerdotal. » Il représente « le prêtre » qui devient si aisément « l’inquisiteur. » Les femmes, nous assure M. Morley, ne s’y sont pas trompées lorsqu’elles entouraient Maximilien d’admiration et de tendresse. Les Anglais, eux aussi, ont reconnu en lui un air de famille avec les grands chanteurs de psaumes du XVIIe siècle.

Rejeter Robespierre comme jésuite est peut-être une gaminerie d’homme grave qui s’amuse à hérisser le poil à des lecteurs timorés et formalistes. Si M. Morley ne nous persuade pas tout à fait que Robespierre fut un prêtre déguisé, il a moins de peine à nous faire voir que « ses aspirations étaient fort au-dessus de ses talens. » On a dit de Bonaparte que c’était un Robespierre à cheval. Pour que le mot fût vrai, il faudrait que la réciproque le fût aussi et que Robespierre eût été un Bonaparte à pied. Le cheval, c’est beaucoup, mais le génie, c’est quelque chose, et Maximilien n’a été qu’un médiocre !

M. Morley est revenu plus d’une fois à ce grand sujet de la Révolution française, notamment pour discuter M. Taine. L’erreur du XVIIIe siècle, le « poison de la Révolution, » c’est, suivant M. Taine, l’abus de la raison absolue, transportée dans les choses du gouvernement. M. Morley admet que ce fut « l’application fausse de la