des mécontens, comme en témoignent des lettres anonymes où l’on ose prédire qu’il ne sera pas réélu. Avec un tranquille dédain il a répondu : « Que je sois ou non dans la chambre des communes, le soleil n’en brillera pas moins demain sur l’horizon. » C’est le mot d’un homme qui est resté supérieur à la politique, supérieur à son ambition même.
En attendant, il semble plus que jamais autorisé à parler au nom de son parti. Il y a quelques jours seulement (1er octobre), son illustre chef lui laissait l’honneur de formuler le premier un nouveau symbole libéral qui sera peut-être mémorable dans l’histoire, sous le nom de programme de Newcastle. Dans ce discours, l’un des plus incisifs, l’un des plus vigoureux qu’il ait jamais prononcés, John Morley annonçait que la question des huit heures et la question, plus vaste, de l’organisation même du travail seraient abordées et résolues dans le futur parlement gladstonien. Il avait déjà déclaré à Cambridge, huit jours plus tôt (22 septembre), que l’Egypte est « la faiblesse, le point vulnérable de l’Angleterre, » et qu’en adressant ses sourires à la triple alliance, lord Salisbury « a fait naître une autre alliance, bien autrement formidable et dangereuse, dans l’avenir, pour la Grande-Bretagne. » Il a renouvelé, à Newcastle, ces déclarations en les accentuant, et fait de l’évacuation de la vallée du Nil un article essentiel du plan libéral. Il a promis aux Gallois la suppression des dîmes ecclésiastiques, c’est-à-dire le « désétablissement » de l’église épiscopale dans la principauté, premier pas vers la séparation définitive du spirituel et du temporel. Plus que jamais, il a affirmé le principe de l’autonomie irlandaise, et, prévoyant l’hostilité de la chambre des lords, il a fait entendre fort clairement que cet acte de résistance aux volontés de la majorité pourrait bien coûter la vie à la haute assemblée.
Ce sont là de grandes promesses ou, si l’on veut, de grosses menaces. Les adversaires de M. Morley affectent d’en rire, peut-être ont-ils tort. En tout cas, voici l’élève du vieux bûcheron de Hawarden qui pénètre dans la forêt séculaire des abus et des préjugés, en brandissant la cognée de son maître ; voici l’impitoyable auteur d’On compromise qui porte à la fois la main sur les deux arches saintes, l’Église et la Pairie. Si le programme de Newcastle s’exécute, cet homme aura mis le sceau à la grande réforme, à la démocratisation de l’Angleterre ; il en aura été l’ouvrier final, et y attachera son nom.
Il se peut qu’il soit abandonné en route, car, pour une défaillance personnelle de sa part, je n’y crois pas. S’il ne devient pas un grand leader, il demeurera, lui aussi, une grande « force morale. »