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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 108.djvu/372

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dispositions, agressives selon lui, des autorités égyptiennes, et qu’au besoin l’amiral Seymour serait autorisé à prendre toutes les mesures qu’il pourrait juger nécessaires à la sécurité des vaisseaux placés sous son commandement. Dès les premiers jours de juin, l’escadre volante de la Manche entrait dans la Méditerranée, et des renforts furent envoyés à la flotte anglaise. Les agens britanniques au Caire et à Alexandrie invitèrent leurs nationaux à se réfugier sur l’escadre ; ils suggérèrent amicalement aux agens français de prendre les mêmes mesures de sécurité. Partout d’ailleurs on pressentait une action imminente ; on l’annonçait de Londres, d’Alexandrie et même de Constantinople. « Je ne serais pas surpris, écrivait M. de Freycinet lui-même à M. de Vorges, le 4 juillet, que l’exécution des travaux de défense déterminât l’Angleterre à opérer un bombardement. » C’est que, le 3, lord Granville n’avait pas caché à notre ambassadeur que le gouvernement britannique était résolu à ne prendre conseil que de ses intérêts ; c’est que, le 4, il fut plus explicite : il chargea en effet lord Lyons de nous donner connaissance des instructions qu’on venait d’adresser à l’amiral Seymour, et que cet officier-général a si énergiquement exécutées le 11. Sans insister autrement, l’ambassadeur de la reine demanda en outre à M. de Freycinet « si des instructions analogues seraient envoyées à l’amiral Conrad. » A quel parti s’arrêta le gouvernement de la république en ce moment suprême ? Après en avoir délibéré, il résolut de ne pas s’associer à l’ultimatum posé par l’Angleterre : « 1° parce qu’il devrait entraîner à des actes offensifs qui ne seraient pas en rapport avec l’attitude que nous avions prise au regard de la conférence ; 2° parce que, de toutes façons, de tels actes ne peuvent, en vertu de la constitution, être accomplis qu’avec l’autorisation préalable du parlement. » En faisant part de cette détermination à M. Tissot, M. de Freycinet ajoutait : « En conséquence, l’amiral Conrad a ordre de déclarer à l’amiral Seymour que, si l’ultimatum était néanmoins présenté, la division française se verrait dans la nécessité de quitter le port d’Alexandrie. » Nous ne croyons pas nous abuser en présumant que le gouvernement anglais n’a pas eu, à ce moment, l’intention de provoquer notre participation active ; ne pouvant l’éviter, il l’aurait subie, mais tout démontre qu’il ne la désirait nullement. Il voulait intervenir seul et en toute liberté, pensant bien que le jour où il aurait l’Egypte dans sa main, il lui serait facile d’y établir son influence sans obstacle et sans partage, en attendant de la soumettre à sa domination plus ou moins déguisée. Aussi lord Lyons ne fit-il aucune tentative pour déterminer le gouvernement français à revenir sur ses décisions. « Il a paru (au contraire) apprécier les motifs qui les ont dictées, et il m’a promis d’en rendre compte à lord