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Grandville, » écrivait encore M. de Freycinet à notre ambassadeur à Londres (dépêche du 5 juillet). Et c’est ainsi que le commandant de notre escadre s’éloigna du théâtre de la lutte dès qu’il lui fut démontré qu’elle allait s’engager, et que notre consul-général, de son côté, dut se réfugier, avec son personnel et ses nationaux, à bord des navires mis à sa disposition.

Le canon tonna donc à Alexandrie ; il retentit à Constantinople, jetant un trouble profond au sein de la conférence et parmi les conseillers du sultan. Bientôt on apprit l’occupation d’Alexandrie par les troupes anglaises et la reddition que le khédive avait faite, de son autorité comme de sa personne, entre les mains de l’amiral Seymour. Le retour de Dervish-Pacha mit le comble à l’émotion, surtout quand on apprit dans quelle humble posture l’envoyé du sultan, ce maréchal de l’empire, avait traversé les lignes anglaises. Or le gouvernement turc avait pris pour base de sa politique et de tous ses calculs, en cette affaire, la mission qu’il lui avait confiée ; il en avait envisagé le succès comme tellement inéluctable qu’il avait persisté dans sa résolution de ne pas intervenir à la conférence, après comme avant la réunion des plénipotentiaires, ne cessant d’affirmer que Dervish-Pacha était en situation de remettre les choses en leur état[1]. Aussi, dès qu’il connut les événemens d’Alexandrie, son effarement égala sa déconvenue. Renonçant à ses illusions, la Porte se réfugia dans le concert européen, et elle témoigna, pour y entrer, autant d’empressement qu’elle en avait mis à le décliner. Mais, pour placer les choses en bonne lumière, il nous faut ici revenir aux travaux de la conférence.


VIII

Les plénipotentiaires, avons-nous dit, étaient tombés d’accord, dans leur séance du 7, sur les termes de la note qu’ils se proposaient de présenter à la Porte pour l’inviter à envoyer un corps de troupes en Égypte. Le texte en fut soumis à l’approbation des puissances. C’est à ce moment que survint la catastrophe d’Alexandrie. On s’observa d’abord ; on s’entendit cependant, et les diplomates assemblés, y compris le représentant de l’Angleterre, dûment autorisés, adressèrent, le 15 juillet, au gouvernement turc la communication qui lui était destinée. La Porte y acquiesça et se fit représenter à la conférence. Elle éleva toutefois une prétention dont elle aurait dû s’abstenir après ses récens déboires ; en notifiant aux plénipotentiaires sa résolution de déférer au vœu des

  1. Voir une curieuse circulaire du ministre des affaires étrangères turc à tous les agens diplomatiques de la Porte, du 26 juin.