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des émigrans appelés à grands frais d’Angleterre s’installer dans le pays qu’eux, les premiers venus, tenaient pour leur apanage naturel.

Cela se comprend à merveille : le gouvernement colonial avait entrepris des expéditions militaires ; il y avait employé les milices ; des levées de fermiers avaient combattu à côté des troupes royales ; puis on peuplait d’étrangers les territoires conquis. Grâce à un crédit spécial accordé par la chambre des communes, plus de quatre mille de ces intrus arrivèrent du royaume-uni, en 1820.

Ce grief, pourtant, ne fut rien auprès d’un autre. Au bout du compte, on ne dépouillait pas les anciens colons pour caser les nouveaux ; on donnait à ceux-ci la garde d’une frontière toujours menacée, et ce renfort de blancs pouvait venir à propos, pour contenir les noirs déjà soumis ou pour marcher en avant. Mais une consigne part de Londres : assez d’agrandissement, plus de guerres, plus rien surtout qui motive des représailles, qui enflamme les passions de l’indigène en face de l’Européen. C’était facile à décréter dans les bureaux de Downing Street et impossible à obtenir sur les lieux. Sous peine de tolérer un pillage quotidien, chaque fermier, chez lui, devait faire la police. Elle se faisait sommairement et rudement. Et alors ces hommes énergiques, habitués à ne compter que sur eux-mêmes, se voyaient inquiétés par une justice formaliste, mais impuissante à les protéger, dénoncés comme étant, eux, les vrais sauvages par certains agens de la Société des missions de Londres, qui se montraient toujours indulgens pour les Hottentots et les Cafres, mais, en revanche, très sévères pour les boers. De là une croissante irritation. Cette querelle éveillait des animosités de race à race, et cependant les fermiers d’origine anglaise ne se privaient pas de faire comme les autres. Eux aussi blâmaient le zèle parfois outré des missionnaires. Il y a presque toujours, on le sait, désaccord entre les colonies de peuplement où se pose l’alternative de refouler l’indigène ou de battre en retraite devant lui, et les métropoles plus accessibles aux considérations philanthropiques, mais surtout ennemies des complications inquiétantes pour leur bourse. En réalité, dans cette redoutable question du traitement des naturels, la politique anglaise flotta du refoulement à l’abstention, d’après les vues changeantes des gouverneurs chargés de la conduire. Tel, comme sir Benjamin Durban, aiguillait sur la voie chère à ses administrés, et, lancé à toute vitesse, stoppait net bien malgré lui au signal de son chef, lord Glenelg. Le lendemain, c’étaient les théories des missionnaires, leurs rêves d’états indigènes, qui régnaient à l’hôtel du gouvernement. Ce manque de suite déconcertait tout le monde.

Que dire de la procédure adoptée lors de l’abolition de