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se lisait dans l’obséquiosité de leur sourire. Certains, par curiosité malveillante, pour acquérir le droit de critique, les Lacousthène de Mazerat, le père, la mère et deux grandes filles sentimentales, posées déjà en points d’interrogation devant l’éventualité tardive du mariage ; les Pidancier de Guiteronde, des embryons de bourgeois, presque des paysans, qui parlaient patois entre eux, s’enrichissaient de leur avarice, et venaient faire au Vignal des enquêtes jalouses, tout en recommandant à leurs enfans de prendre exemple sur Thérèse, dont l’éducation les confondait.

Puis, c’étaient des partis qui s’avançaient en rôdeurs, sondant le terrain sans avoir l’air, avec de suffisans prétextes.

M. Octave Boutarel, un notaire de la nouvelle école, vêtu de complets de cheviotte et fleurant le lubin, qui venait proposer à Dupourquet des acquéreurs sérieux pour certains lots enclavés dans d’autres héritages.

Le docteur Bosredon, un praticien extraordinairement négligé et barbu, très jeune sous sa toison de carabin poseur, situation exceptionnelle, clientèle chaque jour grossissante, avenir indiscutable, et qui prolongeait ses soins désintéressés à un valet de charrue pour une fracture du bras depuis longtemps réduite.

Le fils de M. Brassac, le receveur de l’enregistrement, entré déjà lui-même dans l’administration et visant pour plus tard les emplois supérieurs, qui profitait de ses fréquens voyages à Puy-l’Évêque pour transmettre à Génulphe les rabâcheuses amitiés, les éternelles promesses de visite d’un de ses vieux camarades de collège remisé à Cahors, dans une maisonnette, au bord de l’eau, près du faubourg Saint-Georges.

C’étaient là les trois prétendans sérieux, ceux dont la rumeur publique commençait à dénoncer l’humble ténacité et les rivalités sournoises, les proclamant élus à tour de rôle avec une conviction toujours pareille.

Et Dupourquet, flatté dans son amour —propre de ces avidités groupées autour de sa fille, exploitait habilement la situation, se servait de ces premiers englués pour en attirer d’autres, prolongeait avec leur concours la parade, battait le rappel sur leurs épaules ployées.

À chaque visite faite, pendant la semaine, par le docteur, le notaire ou le futur inspecteur des finances, l’entrée en matière, le formalisme de l’entretien étaient pour tous les trois le même.

Cela débutait par une exclamation d’étonnement qui sonnait la vue comme une fanfare de chasse :

— Ah ! monsieur Boutarel !

— Té ! monsieur Brassac !

— Eh ! vous voilà, docteur !