proportionnel dans le reste du royaume-uni, si on néglige les pertes que l’émigration a fait subir à l’Irlande. Actuellement la population totale y est de 38 millions : si elle continue à grandir ainsi, elle sera de 88 millions en 1960.
Nous voyions ainsi dans l’avenir le flot anglo-saxon grossir, et déborder sur le monde. Le lendemain, les rapports statistiques du General Registrar d’Angleterre et de Galles nous tombèrent entre les mains.
Un mot d’abord sur ces rapports, qui sont admirablement faits. Il n’existait pas en Angleterre, avant 1837, de registres de l’état civil. C’était le clergé qui inscrivait les naissances, les morts, les mariages. Aussi, quand en 1836 un acte du parlement attribua ces fonctions à un administrateur spécial, résidant dans chaque district et communiquant ses registres à un office central établi à Londres, ce clergé fit-il entendre de grandes protestations. Il craignait beaucoup que les fidèles, trouvant suffisantes les déclarations de naissances faites au Local Registrar, ne se déshabituassent du baptême ; puis, c’était lui qui jusqu’alors avait bénéficié des sommes versées pour la délivrance des certificats de naissance, de mort, de mariage. L’archevêque de Canterbury déclara inquisitoriale une loi qui violait le secret des familles, et dont l’exécution, assurée par de lourdes pénalités (ceci n’était pas exact), serait ruineuse pour les pauvres. Un autre ecclésiastique anglican disait bonnement : « Cela ne marchera jamais, c’est du rêve pur. Comment le bureau central arrivera-t-il à classer les 88,000 papiers séparés qui lui arriveront par an ? » Collationner 88,000 bulletins, cela lui paraissait dépasser la puissance d’un bureau de statistique. Il dut être très étonné : cette même année 1837 le bureau, à peine créé, reçut 958,000 de ces effrayans petits papiers, et les classa fort bien. Il en reçoit le double maintenant, plus de dix-huit cent mille, et s’en tire tout aisément. Les rapports du General Registrar, sir Bridges P. Henniker, sont des modèles de méthode et de lucidité : on y découvre des choses fort instructives et faites pour modifier singulièrement certaines idées.
De 1837 à 1878, la proportion des naissances pour mille personnes alla en augmentant. Si on prend la moyenne décennale de 1850 à 1859 cette proportion était de 34 pour 1,000 ; de 1860 à 1869 elle monte à 35,1, de 1870 à 1879 à 35,5. Il faut cependant remarquer dans le dernier tableau un ralentissement du mouvement de croissance : de la première de ces périodes à la seconde, la natalité augmente d’une unité un dixième ; de la seconde à la troisième, d’une demi-unité seulement. C’est que déjà, dans cette dernière période, les naissances ont commencé à diminuer, et ce mouvement de chute continue d’une manière régulière, sans un